"Je prépare à manger". Le rire de Bettye LaVette résonne dans le téléphone en ce 4 juillet, jour de fête de l'Indépendance des États-Unis. On n'a trouvé que ce moment dans son emploi du temps chargé pour lui parler. À 68 ans, la diva soul est l'une des têtes d'affiche du festival Black Summer au Cabaret Sauvage. Son concert le 14 juillet inaugure la quinzaine dédiée aux musiques noires. "C'est ma 51e année dans le show-business", précise-t-elle de sa voix énergique. Celle qui a (bien) connu BB King ou Otis Redding joue ce lundi son large répertoire établi en un demi-siècle d'une carrière très aléatoire.
Betty Jo Haskins (son vrai nom), naît à Muskegon en 1946, dans le Michigan. À 16 ans, elle explose avec "My Man—He’s a Lovin’ Man" sorti sur le légendaire label Motown (Stevie Wonder, Diana Ross...). Quelques titres comme "Let Me Down Easy", récemment reprise par Paolo Nutini, "Doin' The Best I Can", se vendent bien, elle sort Tell Me a Lie, un premier album en 1982, joue à Broadway mais ne touche pas le grand public.
Gilles Pétard, Français passionné de soul, permet de relancer l'intérêt pour cette grande chanteuse, en produisant l'album Souvenirs en 2000. Ces années seront fastes : une tripotée d'albums, I've Got My Own Hell to Raise, celui de son come-back en 2005, ou encore le dernier Thankful N' thoughful en 2012, une nomination aux Grammy Awards en 2007 et des duos prestigieux. En 2009, elle chante "A Change is Gonna Come" pour Barack Obama aux côtés de Jon Bon Jovi.
Une interprète puissante, une vie aventureuse
Moins connue que ses consœurs Tina Turner ou Aretha Franklin, sa puissance d'interprétation a toujours été sa marque de fabrique. "Une chanson, ce sont d'abord des mots et des notes sur un papier ! Ça n'a rien à voir avec un disque. Les chansons n'appartiennent à personne. Je prends des titres que j'aime et je les chante, point", explique Betty LaVette pour parler de son art d'interprète, qu'elle n'a pas développé comme beaucoup en chantant à l'église. "Vous pouvez avoir entendu une chanson des milliards de fois, vous ne m'avez jamais entendu la chanter ! Je suis la différence apportée à une chanson interprétée des milliards de fois. C'est ce que le public me renvoie souvent", s'enthousiasme-t-elle, savourant visiblement ce succès tardif. Il s'est accompagné d'un livre A Woman Like Me, publié en 2012.
Bettye LaVette, un tempérament, y livre des détails truculents sur sa vie de chanteuse pas sage, ses inimitiés avec les autres artistes Motown (Diana Ross) ou de son occasion manquée avec Marvin Gaye entre autres. Alicia Keys en a acheté les droits pour une adaptation au cinéma qui tarde à se concrétiser. Pour l'heure, à mille lieues du parfum de scandale de cette vie aujourd'hui révolue, Miss LaVette se délecte de retrouver son époux Kevin et ses trois chats. Pas du genre à les appeler Minouche, Riri, Fifi ou Loulou. Mais plutôt "Otis (pour le chanteur soul Otis Redding, une de ses conquêtes en son jeune temps, ndlr), Smokey (pour l'artiste Motown Smokey Robinson, ndlr) et Johnny, parce que j'adore ce prénom !". Son rire, qui se fait entendre une fois de plus, met cette fois un point final à la conversation.
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