« Franchement, le public du Hellfest sait se tenir… 150 000 visiteurs, pas de violence ni de présence de hooligans. Rien à voir avec l’Euro 2016 », lance Mouss Kelai, le chanteur de Mass Hysteria, au public de la principale scène du Hellfest. Dans l’enceinte dédiée au heavy metal et à ses musiques dérivées, les débordements sont rarissimes. Malgré le temps capricieux qui s’est abattu vendredi 17 juin sur le site de Clisson (Loire-Atlantique), le Hellfest conserve sa réputation de grande fête bruyante où règne une ambiance bon enfant.
Le site a des airs de parc d’attraction post-apocalyptique où se déroule un carnaval déluré. On y croise bien sûr des milliers de tee-shirts noirs (ceux des Berlinois Rammstein, tête d’affiche de la soirée, sont présents en force), mais aussi beaucoup de festivaliers venus habillés en démons gothiques, en guerriers façon Mad Max, ou encore en « penguins », en super-héros, et même en Dominique Strauss-Kahn en peignoir.
Pour cette 11e édition, les places s’étaient envolées avant que la programmation ne soit dévoilée. Une première pour ce festival qui accumule chaque année de nouveaux records (17 millions d’euros de budget pour cette édition 2016). Un tel rassemblement populaire nécessite un dispositif de sécurité hors norme, décuplé en raison de la menace terroriste : les agents de sécurité ont été multipliés par deux cette année et l’intégralité du site s’est équipé d’un système de vidéosurveillance.
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Lemmy statufié
La surprise de cette édition 2016 se trouve à la Warzone, la scène dédiée au hardcore, réputée boîte à sardines géante en période d’affluence : les lieux ont été totalement repensés et sont désormais plus accessibles. Les stands ont été surélevés et une tribune propose désormais une vue imprenable sur la scène.
Clou de la scénographie, une statue géante de Lemmy, défunt chanteur de Motorhead, surplombe la butte et les stands de restauration. On y savoure aussi en ce milieu d’après-midi la prestation enflammée du quatuor de Long Island, Vision of Disorder, adepte de violents riffs syncopés mêlant gros son métal, urgence hardcore et dépression grunge
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Au même moment, les tauliers d’Anthrax remplissent la MainStage1, une des deux scènes principales, pour le premier gros rassemblement de la journée. Dotés d’une des meilleures sections rythmique du genre, ces pionniers du thrash méritent largement leur place au sein du club des Big Four, avec Metallica, Megadeth et Slayer.
Après avoir traversé des années de vaches maigres, leur persévérance s’est avérée payante. Les cinq new yorkais mettent le public français dans leur poche en reprenant notamment l’hymne « Antisocial » de Trust, devenu un classique de leur répertoire depuis une trentaine d’année.
Earth et Sunn O))), éloges de la lenteur
Située à l’entrée du festival, la scène The Valley, l’antre du rock lourd et pesant, peut prétendre à la programmation la plus intéressante et variée de cette journée. Les Sud-Coréens Jambinai offrent une alternative rafraîchissante au raffut ambiant avec un rock atmosphérique d’une profondeur singulière, accentuée par l’usage d’instruments séculaires traditionnels (haegum et geomungo).
Vient ensuite le tour des pionniers américains du drone doom, Earth, avec leur éloge de la lenteur à base de larsens de guitares monolithiques. Le son érigé par le quatuor, malsain et minimaliste, s’appuie sur un volume sonore spectaculaire, qui ne sera surpassé en intensité bien plus tard dans la nuit que par leurs disciples Sunn O))), vêtus sur scène de bures, encerclés de brumes.
Le légendaire trio The Melvins, tenu par le gourou échevelé Buzz Osborne, prêche sa folie bruitiste et déclenche la plus grosse averse de la journée. Indéniablement, un des concerts les plus relevés de la journée.
La nuit tombée, l’ovni Magma atterrit sur scène pour le premier concert de sa longue carrière au Hellfest. Si l’on en juge par le nombre de tee-shirts siglés de son logo croisés au court de la journée, le groupe expérimental français, à la croisée du rock et du jazz, a ses adeptes au sein d’une frange du public metal.
L’orchestre de musique Zeuhl – huit musiciens (dont deux choristes) – a-t-il durci le ton pour le public du Hellfest ? L’éruption se met lentement en place, mais a bien lieu, sur le classique notamment « Destruktïw Kommandöh ». Sur la scène The Valley, musiciens et public étaient bien là ce soir sur une autre planète.
Franck Colombani, Le Monde le 18.06.2016
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