mardi 28 juin 2016

Le jazz joyeux de Cyrille Aimée (Le Monde)



En tournée mondiale, la musicienne se produit au Festival Django Reinhardt de Samois-sur-Seine, en Seine-et-Marne

Installée à la terrasse du Baiser Salé, club parisien où elle vient régulièrement animer une classe de chant, Cyrille Aimée écoute ses élèves se chauffer la voix. «Mon travail consiste à les amener à se détacher de leur technique, leur apprendre à capter l’instant présent. » Et de souligner son attention à la transmission, elle qui est justement venue à la chanson, au jazz, par cette idée d’échange.

« Adolescente, je vivais à Samois-sur-Seine, en Seine-et-Marne. Vers 13-14 ans, j’ai commencé à me lier d’amitié avec des manouches.

J’étais fascinée par leur manière de vivre au jour le jour, leurs expressions, leur culture. Le frère d’une de mes amies manouche m’a offert une guitare et m’a montré les rudiments. Moi, je lui apprenais à lire.

Plus tard, un autre de ses frères m’a demandé de chanter pour sa famille. C’était une première, il a senti que j’avais quelque chose et, pour moi, cela a été une révélation. C’est là que j’ai découvert qui j’étais. »

Samois-sur-Seine, c’est la commune où est enterré le guitariste Django Reinhardt (1910-1953) et où un festival annuel à son nom est organisé depuis 1984. Cyrille Aimée, qui y est d’abord allée pour l’ambiance familiale « et les crêpes au chocolat », aujourd’hui musicienne, en tournée jusqu’au 10 juillet, y est programmée le 23 juin. Pas sur le site habituel de l’île du Berceau, inutilisable après les inondations. La 37 e édition du festival, du 22au 26 juin, se déplace à  proximité, prairie  du Bois-d’Hyver du château de Fontainebleau, ville où estnée lajeune femme, le 10 août 1984.

Cyrille Aimée a enregistré huit albums. Le dernier en date, Let’s Get Lost (Mack Avenue Records/ Harmonia Mundi), a été publié en février. Avec deux guitares, basse et batterie, comme pour le précédent en 2014. Un format qu’elle exploredepuis un moment, elle qui a fait aussi bien du duo que du big band ou des petites formations avec trompette et saxophone. Son premier disque remonte à 2009, avec des musiciens qu’elle a rencontrés lorsqu’elle était au Purchase State College de l’université d’Etat de New York. Grâce à une bourse, un cursus de quatre ans commencé en 2005, pas pour des cours de chant mais pour apprendre l’harmonie, approfondir les règles du jazz.


« Huit concerts par semaine »

Avant l’installation aux Etats-Unis, elle a vécu un temps en République dominicaine, pays natal de sa mère. « C’est là que j’ai eu mes premiers vrais engagements, j’étais la seule chanteuse de jazz de toute l’île, huit concerts par semaine, et je donnais des cours.» En 2007, encore étudiante, elle obtient le premier prix du Montreux Jazz Festival Competition, en jazz vocal. Finaliste du Thelonious Monk International

Jazz Competition

en 2010, en tête de nouveau lorsdu premier Sarah Vaughan International Jazz Vocal Competition en 2012... « Les concours, c’était une manière de me mesurer à moi-même. Pas d’être dans la compétition, mais de voir où j’en étais par rapport à d’autres chanteuses et chanteurs. J’en ai perdu, mais c’est tout aussi important pour avancer.»

Et la « Star Academy»? Agée de 19 ans, alors qu’elle cultivait déjà une passion pour le jazz, les standards, le swing manouche, le chant scat, ce « merveilleux outil pour l’improvisation», qu’elle pratique surtout en concert, mais aussi la chanson, la pop, Cyrille Aimée avait envoyé sa candidature pour l’émission de TF1. Elle se retrouve parmi les seize finalistes. Et dit non quinze jours avant le début du tournage. « J’ai regardé le contrat, je n’avais pas le choix de mon répertoire. J’ai senti que je serais très malheureuse. »

Sans mépris pour le jeu ou les candidats, elle en regrette toutefois l’aspect formaté «avec souvent un faux accent anglo-saxon ».

Quand des groupes français chantent en anglais, « on entend vite qu’en majorité ils ne comprennent pas vraiment ce qu’ils chantent », dit-elle. Un comble pour elle, qui choisit une chanson d’abord pourle texte. Elle doit pouvoir le faire sien, en goûter le sens, lui correspondre. Pétillante, d’une nature joyeuse, elle dit ne pas être attirée par le tragique, la déprime. Dans le blues, elle ira chercher l’humour, dans une ballade mélancolique, elle s’arrêtera sur un élément positif.

Et dans la musique? «Quel que soit le style, je dois y entendre l’honnêteté. Et c’est ce que j’espère que le public entend quand je chante.»

Sylvain Siclier, Le Monde du 21.06.2016
a propos de Cyrille Aimée, vous pouvez aussi lire :  Cyrille Aimée, la jazzwoman française qui a conquis New York (Culturebox)

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