Hell Fest 2015 |
Sélection de groupes aux patronymes improbables qui brilleront cet été à Clisson.
Le hard est un continent à part entière. Un territoire souvent méconnu mais dont la population est d’une gentillesse inversement proportionnelle à l’agressivité de sa dégaine. Le Hellfest, qui se tient l’été à Clisson, est leur grand-messe. Chaque année, l’affiche, bien remplie, de ce festival chevelu, réunit moult groupes aux patronymes improbables.
Présentation de cinq cas piochés dans la programmation 2018.
1- Oranssi Pazuzzu
On dirait une déesse maléfique dans une série Z copiant l’Exorciste. Perdu, c’est le nom d’un groupe de black metal psychédélique finlandais. Cela dit, on n’est pas tombé très loin, car ces garçons aux cheveux longs et cuir de motards se sont appelés ainsi en associant (l’histoire ne dit pas pourquoi) le mot «orange» en finlandais et le nom d’un démon mythologique babylonien. Quant à leur musique, elle a quelque chose de cinématographique et de reptilien qui progresse de manière lente et sourde dans un tunnel de boue. On ne s’aventurera pas à prononcer le nom de leur dernier album, Värähtelijä (d’autant que si on le prononce à l’envers trois fois des démons apparaissent), mais on n’est pas loin de le recommander chaudement.Oranssi Pazuzu - Lahja
2- Meshuggah
Est-ce parce qu’ils considéraient qu’il faut être un peu fêlé pour écouter ou jouer une musique pareille que ces avant-gardistes suédois sont allés ce chercher un nom dérivé du yiddish, meshuga signifiant gentiment «fou», quand ils se sont formés en 1987 ? En tout cas, ces inquiétants biens que charmants garçons sont devenus légendaire (enfin dans leur milieu) pour leur capacité à associer la sauvagerie du death metal avec des expérimentations inspirées du jazz et de la fusion, jouées sur des engins à huit cordes. Un truc de virtuoses, donc. Mais beuglant tout de même, on vous rassure. C’est fort du succès quasi mondial de leur huitième album, The Violent Sleep of Reason, sorti en octobre 2016, que Meshuggah se produira au Hellfest 2018.Meshuggah - Bleed
3- Suffocation
On considère ces Américains de Long Island comme les fondateurs du «brutal death metal». On a même la date : 1988. C’est la première fois que leur chanteur Frank Mullen s’est lancé dans ce style de voix gutturale éruptive unique et suffocante justement. Que l’on serait incapable d’imiter, à moins de croiser une famille de Demogorgons un soir de pleine lune quelque part en Transylvanie. D’où une certaine suffocation propice au chant (?) death metal.Trente ans plus tard, Mullen et ses cordes vocales sont vraiment proches de la suffocation et, devant les signes évidents de faiblesse, il lui arrive maintenant de se faire remplacer sur scène soit par un collègue de Decrepit Birth (Bill Robinson) soit par un membre de Dying Fetus (John Gallagher). Vite, de l’air !
SUFFOCATION - "Abomination Reborn"
4- Feed The Rhino
Même avant le réchauffement climatique, on n’est pas certain qu’il y ait déjà eu une trace de rhinocéros gambadant en toute liberté dans les prairies du Kent, charmant comté situé au sud-est de Londres et surnommé le jardin de l’Angleterre.Par contre, il est fort possible qu’un des cinq membres de ce groupe mi hardcore mi metal formé en 2009 ait balancé dans sa jeunesse un croûton de pain pour alimenter un rhinocéros noir d’Afrique de l’Est alors qu’il faisait avec papa et maman un safari-photo dans la réserve pour animaux sauvages de Port Lympne, la grande attraction du coin. Bon, l’hypothèse quand même la plus probable, c’est que ce patronyme soit une référence à l’expression anglaise «feeding the rhino» qui signifie nourrir sexuellement la bête, en évoquant un homme obsédé sexuel. Très loin des balades du dimanche en famille.
FEED THE RHINO - Timewave Zero
5- Pensées nocturnes
Quand on écoute leur dernier album, A boire et à manger (2016), on frissonne de terreur en songeant au style de pensées nocturnes qui abreuvent les rêves ou plutôt les cauchemars de ces (très) excentriques (enfin, au moins à la scène) Parisiens adeptes d’un farouche black metal totalement déglingué dans lequel on peut entendre des accents swing (oui, oui), des échos d’Erik Satie (ouh là !) et même des samples de sketches de Coluche, sans que l’on songe à aucun moment à se tordre de rire. Sur leur page Bandcamp, le commentaire d’un certain Piotr Wielebski décrit bien mieux que nous ne saurions le faire cette musique (?) vraiment, mais alors vraiment, bien barrée : «Si Marcel Duchamp était encore en vie, je crois qu’il aurait joué du black métal avec ces iconoclastes.»Pensées Nocturnes - Le Marionnettiste
Alexis Bernier et Patrice Bardot Libération, le 5 janvier 2018
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