Au fort de l’hiver, un réchauffement des esprits prend corps. Nîmes fait, jours et nuits durant, toute la place à l’art flamenco. Du 9 au 20 janvier 2018, le feu sacré va jaillir du plus profond des âges pour faire irruption dans l’arène.
Elle est vue de loin l’affiche Flamenco commise par Eddie (pour les intimes) Pons (pour façons plus notoires), reconnue par une ineffable pointe d’humour à nulle autre pareille. Coincée dans un portique peut-être la porte d’un tableau opportunément de fortune, se dessine une silhouette mais avant tout une guitare, un chapeau et sous un croissant de lune, « The » monument, les Arènes. En quelques coups de crayon, la grande affaire est annoncée. Sous les ombres planquées, l’auteur, dessinateur aficionado a serré l’ambiance, tenu au plus près du trait, avec la légèreté qui sied, son sujet. Reste à entrer dans le vif, la substantifique moelle, celle des « cantadors », nombreux, des « tocadors » qui ne le sont pas moins, pour, élémentaire, accompagner bailadors et bailadoras.
Le grand sérieux advient avec l’ouverture des plus audacieuses d’Andres Marin qui fait une relecture très personnellement engagée d’un « Don Quixote » atypique. Histoire d’un regard contemporain, ce qui n’enlève rien à l’essentielle quête du Don Quichotte universellement connu. Un passage très attendu dans « Al son de Extremadura », hommage appuyé au chant par une équipe d’artistes passionnés, (mention spéciale pour le danseur Antonio Silva, dit El Peregrino), ralliera les amoureux de l’orthodoxie flamenca. Sans oublier la prestation d’une Kaita, « gitana pura », une voix qui fait trembler le sol, la voix d’une rebelle, d’une authentique anarchiste.
Renouer les fils de l’histoire
C’est en effet le chant gitan qui forme la trame de cette 28e édition. Histoire d’une mémoire d’un héritage que l’on se doit d’honorer lorsque l’on fait partie de la famille. Et si le public ne manque pas d’apprécier une danse plus classique telle que celle de David Coria qui, dans « El encuentro » montre sa fougue et sa capacité à bouleverser, il sait se pencher avec émotion sur les périodes migratoires, des générations qui ont dû fuir une Espagne pauvre et idéologiquement dure et instable, pour apprécier ce qui résonne fort dans les textes de pablo Neruda, dans les chants et les mots de cette insigne « guerre civile ». « Pasionaria », alias Dolores Ibarruri est revivifiée par un attelage des plus harnaché, mené par Clara Tudela, Gregorio Ibor Sanchez et Raphaël Lemonnier. Le moratoire silencieux de Rafaël Riketi a pris fin. Il revient donc, tout en grâce et finesse, toujours paré d’une riche intelligence de la musique et du jeu. Avec « claroscuo », le danseur cordouan Angel Munoz s’inscrit en tout paradoxe dans l’ombre et la lumière. L’éclair électro de la musique, des sempleurs et du séquenceur le propulsant dans une ère moins connue du genre.Enfin, Mari Pena, héritière d’une immense dynastie gitane, issue d’un clan (fille des Pena de la Buena) vint pour réveiller la veine traditionnelle des voix féminines d’Utrera. Les amoureux de ce chant si bouleversant l’attendent avec impatience. Proches cousins, Luis Moneo et Antonio Reyes, célèbres chanteurs, eux aussi issus de vieille souche flamenca. Les solos profonds de David Carpio ne seront pas moins convainquants en dialogue avec le guitariste manuel Valencia et le sublime contrebassiste Pablo Martin Caminero. Las, il n’est bonne compagnie qui ne se quitte mais en beauté, avec le grand inspiré Israel Galvan et La Fabi, incarnation d’une étincelle qui enflamme tout sur son passage!
M-J. Latorre, La Marseillaise du 9.12.2017
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