vendredi 14 mars 2014

Le rock touareg des Tinariwen (Le Monde)

Tinariwen
Tinariwen
Après Tassili, gratifié d'un Grammy Award en 2012, Tinariwen sortait il y a quelques semaines Emmaar, qu'il présente mardi 11 mars à Paris. Un album que le groupe touareg du Mali reviendra défendre, cet été, en France, dans les festivals (notamment aux Vieilles Charrues le 18 juillet et aux Escales de Saint-Nazaire le 1er août).

Gorgé de guitares électriques, tranchant avec l'atmosphère acoustique du précédent disque, ce sixième album a été enregistré dans une maison située dans le désert du Mojave, au sud de la Californie. Comme pour Tassili, des copains rockers sont venus. Josh Klinghoffer, le guitariste des Red Hot Chili Peppers, Matt Sweeney, celui de Chavez, le violoniste et joueur de pedal steel de Nashville, Fats Kaplin, et aussi le slameur poète Saul Williams.



Formé au début des années 1980 dans la région de Kidal, au Nord du Mali, présenté comme le porte-voix des rebelles touareg au Mali, au début des années 1990, pour une reconnaissance de leur culture et de leur langue, le tamasheq, Tinariwen attire l'attention de la planète rock. Celle-ci s'entiche de ces rebelles du désert portant djellaba et turbans (l'image fait réfléchir l'imagination occidentale) et d'un message de résistance.


COUPS DE POUCE

Après leur passage, en 1999, au Festival Toucouleur à Angers, invités par le groupe Lo'Jo et la sortie de l'album The Radio Tisdas Sessions, enregistré à Kidal et réalisé par le guitariste anglais Justin Adams (il produira deux albums pour eux), les musiciens de Tinariwen jouent en 2001 aux Transmusicales de Rennes. On les verra également rejoints sur scène par Robert Plant et Carlos Santana, ouvrir un concert des Rolling Stones, à Glastonbury (Angleterre) et celui, en juin 2012, au Stade de France, des Red Hot Chili Peppers. Autant de coups de pouce non négligeables pour créer du « buzz » et élargir son public au-delà des aficionados des musiques du monde et autres militants.

Cette reconnaissance et le Grammy Award, « c'est une fierté pour notre peuple », déclare le bassiste du groupe, Eyadou Ag Leche, interrogé à l'occasion du concert des Nuits Zébrées de Radio Nova, le 21 février, au Rocher de Palmer, à Cenon, en banlieue bordelaise. Ce jour-là, plutôt que parler du disque, la voix douce et calme, il dit d'abord son ras-le-bol et exprime, au nom du groupe une sourde colère : « La situation n'a pas changé. Depuis sa création Tinariwen existe pour la même cause. Nous voulons simplement faire valoir nos droits, sans que cela débouche sur une guerre. Nous sommes des Berbères, musulmans, porteurs d'une culture riche et fort ancienne. Certainement pas des terroristes, comme on nous a présentés parfois dans la presse ».


UN GROUPE À GÉOMÉTRIE VARIABLE


« Eyadou est, avec Abdallah ag allhousseyni, l'un des plus engagés de Tinariwen, mais les membres du groupe ont des opinions plus ou moins prononcées sur leur engagement politique », explique Patrick Votan, leur manager français. Certains ne veulent plus entendre parler de politique, d'autres restent très discrets sur leur implication. « Ce qui est certain, c'est qu'ils veulent tous que leur culture et leur peuple soient respectés par l'administration malienne. »

« Tinariwen est un groupe à géométrie variable, en fonction des tournées, des disponibilités de chacun et des budgets », poursuit Patrick Votan, en réponse à l'absence, sur la tournée actuelle de Abdallah ag Lamida, dit Intidaw, enlevé et séquestré pendant plusieurs jours par Ansar Dine, un des groupes islamistes à l'origine de l'insurrection armée au nord du Mali en 2012. « Enlevé parce qu'il représente une menace à la propagande d'Ansar Dine », écrivait alors sur son site l'agence d'information touarègue Toumast Press qui avait révélé l'information.

Né en 1978 à Tamanrasset, dans l'extrême sud de l'Algérie, où il vit actuellement, Eyadou Ag Leche est proche du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), mouvement touareg revendiquant l'autodétermination et l'indépendance du territoire de l'Azawad, au nord du Mali. Plusieurs de ses membres ont été tués ou blessés par les djihadistes, dont récemment, Ahabi Ag Ahmeida, représentant le MNLA au sein du comité de liaison, mis en place après les élections de 2013, censé calmer les tensions locales. Un signe suggérant un possible apaisé ? « L'idéal du peuple est bradé, mes amis. Une paix imposée par la force est vouée à l'échec », disent les paroles de Toumast Tincha, sur le nouvel album, écrites par Eyadou Ag Leche.

Emmaar, de Tinariwen. CD Emmaar/Coop/Pias.

Tinariwen sera en concert le mardi 11 mars au Trianon, 80, boulevard Rochechouart, à Paris (18e). Tél. : 01-44-92-78-00.

Le 29 avril à la Maison des Arts André- Malraux, place Salvatore-Allende, Créteil (94). Tél. : 01-45-13-19-19.

 Patrick Labesse Le Monde du 10 mars 2014

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