Pour les 40 ans de l’album "Horses", Patti Smith en rejoue l’intégralité. En plus feutré.
Elle a l’engagement politique chevillé au corps. A 68 ans, Patti Smith est toujours habitée par une envie de réveiller les consciences. Elle le fit brillamment en sortant, en 1975, “Horses”. Quarante ans plus tard, l’artiste américaine a décidé de fêter l’anniversaire de cet album fondateur en partant en tournée pour jouer, en intégralité et dans l’ordre, les neuf morceaux. Elle était à cette occasion mardi soir, à l’Ancienne Belgique. (photo patrick kovarik/AFP)
Patti Smith entame son set par un “Compacted Awareness” qu’elle lit, lunettes sur le nez et feuille à la main. Sa diction est parfaite, son charisme intact. Puis elle attaque avec “Jesus died for somebody’s sins but not mine” (Jésus est mort pour les péchés de quelqu’un mais pas les miens). La foule l’accompagne, reprend en chœur ces vers de “Gloria” et épelle chaque lettre du titre. Même si l’on retient surtout de “Horses” la force de sa poésie incantatoire, Patti Smith n’est pas venue seule. A ses côtés (tout de noir et blanc vêtus en référence à la pochette de Mapplethorpe), fidèles d’entre les fidèles, Lenny Kaye à la guitare et Jay Dee Daugherty à la batterie, qui étaient déjà de l’aventure “Horses” ! Un trio de base complété par Tony Shanahan (claviers et guitare) ainsi que… le fils de Patti, Jackson, au jeu de guitare qui prend belle allure (on avait déjà pu y goûter en 2007). Lenny, Tony, Jackson : que de cordes galvanisantes !
Force de frappe
Pour certains, la force de frappe de “Horses”, à sa sortie en 1975 et aujourd’hui en 2015, n’est plus la même. De fait. Musicalement parlant, déjà, le live est moins âpre que l’original, l’enrobage se révélant ce soir-là plus feutré. Ce qui n’est certes pas déplaisant. Question de goût. Quant à son impact, il est évident que les 2 000 spectateurs présents sont acquis à sa cause. Elle prêche des convaincus qui, pour la plupart, se retrouveront, d’une façon ou d’une autre, dans le commentaire qu’elle fera, en deuxième partie de concert, pour annoncer “People have the power” : à l’époque de la chanson (1988), elle croyait encore pouvoir changer le monde. Pas sûr que l’assemblée – en majorité quinqua – aura été réceptive à son message : “You can change the world” (vous pouvez changer le monde). Peut-être l’adresse-t-elle d’office, quel que soit l’âge des spectateurs ? La tâche s’annonce ardue dans un monde, à la population résignée, qui donne l’impression de s’enliser, de s’enfoncer. Allez jeunesse !
Teigneuse, Patti Smith n’en démord pas, son éloquence, parfois frénétique, touche. Poing levé, elle hurle : “The power to dream, to rule/To wrestle the earth from fools […] We can turn the world around/We can turn the earth’s revolution”. L’acoustique de l’AB est parfaite qui accueille sa voix puissante au vibrato entier qui sait tenir la note.
Patti Smith est d’humeur badine. Elle rigole et échange régulièrement avec le public. Serre les mains des premiers rangs quand Lenny Kaye se réjouit de sa bonne pioche chez les disquaires bruxellois.
Galaxie new-yorkaise
Le set affiche aussi un mini-medley en hommage au Velvet Underground, histoire de rappeler que Patti, Lenny et Jay ont fait partie de la galaxie qui sévissait à New York dans les sixties. Des “Rock and roll, I’m waiting for the man, White Light-White Heat” à vrai dire plutôt dispensables.Les chansons ne sont certes pas des textes figés. “Elegie”, dernier extrait de “Horses”, et à l’origine un requiem pour Jimi Hendrix. Aujourd’hui, c’est devenu une litanie de tous les artistes décédés depuis 1975, une liste qui nous renvoie à l’ampleur de la perte et à notre condition de mortel.
Marie-Anne Georges
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