INTERVIEW - En moins d'un an, la musicienne, 35 ans, a rencontré le succès grâce à son premier album, qui marquait son passage du jazz au rock. Elle assurera ce mardi 20 octobre une date à la Cigale, à Paris.
Be Sensational. Jeanne Added ne pensait pas si bien dire en choisissant le titre de son premier album, paru en juin. L'auteur-compositrice et interprète est devenue l'une des sensations de l'année avec son post-rock, qu'elle assure sur scène sa guitare basse en bandoulière. À 35 ans, Jeanne Added, originaire de Reims, a fait un pari osé mais payant.
Violoncelliste et chanteuse de jazz, cette musicienne a choisi finalement le rock pour s'exprimer sur scène. Et depuis son passage aux Trans Musicales de Rennes en 2014, elle n'a eu de cesse d'arpenter les scènes hexagonales. Mardi 20 octobre, elle assurera un concert à la Cigale, à Paris, point d'orgue d'une tournée qui n'en finit plus. Jeanne Added, qui a achevé sa mue par une crinière blonde, n'en revient toujours pas de l'année qui s'est écoulée mais reste lucide sur ce succès soudain.
LE FIGARO. - Quel bilan tirez-vous de cette année intense?
Jeanne Added. - C'est un peu fou. Cela me semble incroyable d'avoir pu sortir un disque et d'avoir désormais la possibilité de le jouer sur scène. J'en profite un maximum, j'essaye de ne pas prendre ça pour acquis et je continue à travailler. Avant d'arrêter le jazz, j'ai fait le pari de réussir à vivre de la musique qui me correspond. Là j'ai l'impression que ça fonctionne donc je suis extrêmement heureuse.
A quoi cette percée fulgurante est-elle due?
Le point de départ, c'est vraiment le festival des Trans Musicales. J'ai été programmée pendant cinq soirées, où de nombreux professionnels sont venus me voir. Puis j'ai bénéficié d'un cercle vertueux: plus les gens parlent de toi, plus tu te fais connaître. J'espère toujours que les gens qui en parlent s'y sont vraiment intéressés. Parce que je sais aussi qu'il y a un effet boule de neige... Ça permet de redescendre un peu de son petit nuage en se disant que ça peut aussi très vite se terminer.
C'est une crainte que vous ressentez au quotidien?
Non. J'essaye justement de combattre ce qui chez moi pourrait croire en cette descente - pourtant inévitable - afin de continuer à profiter de tous les moments. De toute façon je vais redescendre. Je vais mourir, et avant même que je meurs, les gens en auront marre de ma tête. Mais ce n'est pas grave! J'ai déjà une chance folle avec tout ce qui se passe en ce moment. J'aurais vécu ça dans ma vie, c'est dingue. Après j'espère évidemment faire de la musique le plus longtemps possible. Mais cela fait 10 ans que je fais de la musique et je sais donc qu'il n'y a pas besoin d'avoir un tel relais médiatique pour la pratiquer et en vivre.
Qu'est-ce qui vous a poussé à effectuer votre transition du jazz au rock?
En premier lieu, j'avais besoin d'écrire ma musique. Puis il y a une foule d'autres arguments qui m'ont donné envie de me lancer. Je jouais dans des petites salles où les gens étaient assis, ils étaient beaucoup plus vieux que moi pour la plupart... J'exagère un peu mais j'avais envie de voir des gens debout, de faire quelque chose de mon âge. J'ai passé toute ma vingtaine avec des gens de vingt ans de plus. J'en avais marre! Finalement, je m'y suis prise un peu tard, c'est moi qui fais partie des vieux pour le rock maintenant.
Pourquoi avez-vous choisi d'attraper une guitare basse plutôt qu'une guitare électrique?
Parce que la guitare basse a quatre cordes, comme le violoncelle. C'était le plus facile pour moi, comparé à la guitare. Et j'ai même la chance d'avoir des frets cette fois pour trouver les notes plus facilement. Il y avait aussi quelque chose de plus évident pour moi dans la position.
Comment avez-vous rencontré Dan Levy, devenu producteur de votre premier album?
C'est une de mes très bonnes amies qui joue dans The Dø, Marielle Chatain, qui m'a présenté Dan et Olivia. Elle leur a fait écouter ma musique et de fil en aiguille, ils m'ont proposé de faire leur première partie, puis Dan a proposé de produire mon disque. Cela m'a pris un an avant de lui dire oui. Je ne me sentais pas capable, par rapport à lui. J'avais besoin de faire encore du chemin toute seule avant de travailler avec quelqu'un doté d'un tel talent et d'une identité aussi forte.
Que vous a-t-il apporté concrètement?
Il m'a forcé à écrire: écrire plus, écrire mieux. Il était très exigeant et très impressionnant de capacité de travail. Il en avait quelque chose à faire. Il s'est investi dedans et c'est la meilleure chose qui puisse arriver. Cela transparaît à tous les niveaux. Il n'a rien lâché.
Pourriez-vous retravailler avec lui?
Je ne crois pas. C'était bien parce que nous étions réunis lors de ce moment précis. Faire mon premier disque avec lui, c'est ce qui pouvait m'arriver de mieux. Mais on ne va pas refaire The Dø bis. Je pense que c'est bien que je voyage ailleurs.
Jeanne Added: War is coming
Mathilde Doiezie, Le Figaro du 20 octobre 2015
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