Dans Shadows - Songs of Nat King Cole, le chanteur anglais revisite côté blues le répertoire du crooner américain dont on célèbre cette année les 50 ans de la disparition. Explications de l'intéressé.
Hugh Coltman, le plus parisien des bluesmen anglais sort un disque de jazz, Shadows - Songs of Nat King Cole. Depuis quelques années déjà l'idée de s'attaquer à la note bleue faisait son chemin dans l'esprit du leader du groupe The Hoax. Le déclic a lieu en 2012. Celui qui mène aussi une carrière d'artiste pop-folk sur le label Mercury (Stories From The Safe House, 2008 ; Zero Killed, 2012), est invité par le pianiste de jazz Eric Legnini à remplacer la chanteuse Krystle Warren sur la tournée de son projet The Vox. Les deux hommes ont fait connaissance quelques semaines plus tôt sur le plateau de l'émission de télé One Shot Not et visiblement le courant est bien passé.
Cette rencontre est déterminante pour la suite de l'histoire puisque qu'on retrouve le pianiste aux manettes de Shadows. "Je ne m'étais j'aimais considéré comme un chanteur de jazz, confie Hugh Coltman. Le fait qu'un musicien de son calibre fasse appel à moi m'a décomplexé. Musicalement je me suis rendu compte que j'aimais bien m'exprimer dans ce registre. Cette expérience et ma collaboration avec le guitariste Misja Fitzgerald Michel m'ont offert une grande liberté".
Alors, voilà, c'est décidé, Hugh Coltman va faire un disque jazz. Mais comment s'y prendre ? "Je ne me sentais pas d'attraper ma guitare et d'écrire des morceaux. Je n'ai pas ni la culture ni les outils pour faire ça." Ce sera donc un album de reprises. Certes, mais alors de qui ? Il pense d'abord à Ray Charles. Puis se souvient des disques qu'écoutaient sa mère, disparue quand il avait 7 ans. "Elle écoutait Kind of Blue de Miles Davis, de la musique écossaise horrible, et un best of de Nat King Cole". Ce sera donc le légendaire crooner américain dont on célèbre en 2015 les 50 ans de la disparition.
Hugh Coltman, en bon élève, se documente et découvre la vie du jazzman. "Il a vécu le racisme et la ségrégation de plein fouet. Quand il joue dans une salle de 1500 places, il doit rentrer par l'entrée de service. Quand il s'installe à Beverly Hills, dans les années 1950, le Ku Klux klan brûle une croix dans son jardin. Il a échappé à un kidnapping en Alabama. Son émission de télévision, l'une des premières animées par un noir, s'arrête faute de sponsors. Il dira, en faisant référence aux sièges des annonceurs : ''Melrose avenue is afraid of the dark''. Et malgré cela, on ne voit aucune colère chez lui. Certains vont juger que c'est de la lâcheté. Pour moi, c'est plutôt une force. Il est là pour jouer pour les noirs et les blancs. A travers son rôle d'entertainer, en pénétrant les discothèques des familles bien pensantes américaines, il faisait avancer la cause des Noirs.".
C'est cette part d'ombre que Hugh Coltman explore dans son disque, en choisissant de révéler la face blues de Nat King Cole, en s'éloignant des arrangements mielleux qui lui collent à la peau. "Jevoulais travailler à la manière du producteur Joe Henry (Hugh Laurie, AaronNeville, Loudon Wainwright III). Nous avons aussi fait appel au même mixeur quecelui a réalisé Blood money de Tom Waits." Marque d'authenticité, la voixet la musique ont été enregistrées en même temps, en une prise le plus souvent. "C'estdur pour un musicien ou un chanteur de ne pas chercher la perfection. Il fautse dire: cette prise correspond à mon humeur du jour, ne cherchons pas à laréparer. Quand on réécoute Neil Young, il chante souvent faux, mais peuimporte." Avec cet album, Hugh Coltman, lui, a tout bon.
Shadows - Songs of Nat King Cole,par Hugh Coltman (La Planque/Okeh/Sony Music). En concert le 5 septembre à la Cité de la Musique dans le cadre du festival Jazz à la Villette.
Julien Bordier, L'Express le 28/08/2015
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