vendredi 23 décembre 2016

Romain Humeau, mousquetaire rock (Le Figaro)

Romain Humeau
Romain Humeau


Le leader  du groupe Eiffel ouvre une parenthèse en solitaire avec l'album Mousquetaire,  une réussite  qui emprunte  des accents plus pop que de coutume.  Entre baroque  et pop moderne façon Damon Albarn,  cet érudit réussit  une belle synthèse.


Depuis le début de sa carrière en 1996, Romain Humeau est demeuré fidèle à une exigence sans concession qui lui a permis de traverser les projets avec autant de soin que de fraîcheur. La dernière de ses réinventions n'est pas la moins fascinante. Le premier volume de Mousquetaire, nouvel album solo du musicien, montre les ressources inouïes dont dispose cet artisan. Après cinq albums d'Eiffel écoulés et plus de 700 concerts, le quadragénaire a investi son studio pour y confectionner un album aux accents plus pop. Avec un seul mot d'ordre: explorer de nouveaux territoires. «Je me suis employé à faire tout ce que je m'étais interdit de faire auparavant», explique-t-il.

Dans l'intervalle séparant les prémices de ce disque et sa sortie, Romain Humeau s'est employé à multiplier les collaborations. On lui doit la réalisation de deux disques de Bernard Lavilliers: l'album original Baron Samedi, en 2013, et le recueil Acoustique, l'année suivante. On lui doit également la composition de la musique d'une adaptation de Vendredi ou les Limbes du Pacifique de Michel Tournier avec Denis Lavant en récitant. Un spectacle joué dans le cadre du Festival d'Avignon, qui sera repris à partir de janvier 2017 avec Bernard Lavilliers.

Son organique


Mousquetaire prolonge une des obsessions du compositeur depuis ses débuts: jeter un pont entre vocabulaire musical anglo-saxon et culture de l'écrit en langue française. Pour l'occasion, l'homme a renoué avec le pan le plus britannique de ses influences: l'écriture de Lennon-McCartney, d'Andy Partridge (XTC) et de Damon Albarn. Une manière de renouer avec sa culture musicale d'origine: le baroque. Sur ce disque, le chanteur s'est aussi autorisé à chanter dans la langue des Beatles. Anti-star par excellence, Romain Humeau s'y incarne en artisan méticuleux galvanisé par une liberté infinie.

Si on a pu lui reprocher un certain hermétisme dans ses textes, Romain Humeau a veillé à développer un thème particulier sur chacune des chansons de Mousquetaire. Il a enregistré Mousquetaire avec Nicolas Bonnière. Disciples des productions de Geoff Emerick, Dan The Automator et Danger Mouse, les deux compères ont mis au point un son organique qui incorpore quelques surprises électroniques. Quelques invités ont complété l'ensemble: Estelle Humeau (piano, flûte, contrebasse), Jo Doherty (cordes). Frais et érudit à la fois, Mousquetaire constitue une des plus belles réussites d'un surdoué qui se réinvente avec beaucoup de finesse. «Je n'avais jamais chanté aussi peu fort de ma vie. C'est la première fois que je susurre sur un album, ce que je fais tout le temps chez moi quand j'ai la guitare à la main.» Comblé, Romain Humeau fourmille déjà de projets. Le deuxième volume deMousquetaire, d'une part, mais aussi un nouvel album d'Eiffel, déjà écrit, qui comblera les ahuris, communauté de fans à la ferveur impressionnante. «J'ai encore plus envie de faire des choses qu'il y a vingt ans», annonce-t-il. On le suit.

Olivier Nuc, Le Figaro du 23.11.2016

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