L'ex-guitariste du groupe de rock bordelais multiplie les projets à deux et fait dialoguer son son saturé avec celui de musiciens du monde entier.
Tôt dans l'histoire de Noir Désir vous avez exprimé l'envie de projets personnels et de croiser d'autres univers ? D'où cela vient-il ?
J'ai commencé mes projets en solo à partir de 1996, par nécessité artistique de respirer. Après avoir grandi dans un groupe, je voulais me confronter à l'autre, pour apprendre de lui. C'est aussi la raison de mon installation à Paris il y a vingt-cinq ans. J'étouffais dans une ville de province. J'ai besoin de brassage.
Etes-vous un voyageur ?
Je voyage tout le temps parce que je tourne tout le temps. En même temps, je suis incapable de visiter une ville parce que la musique m'absorbe. Je reste à l'hôtel, je bosse ma guitare, je compose. Ce ne sont pas des vacances. Et je suis heureux comme ça.
Vous menez de nombreux projets en parallèle : Interzone, Zone Libre, Kintsugi, Kit de survie... Pourquoi ?
J'en ai besoin, pour évoluer et parce que je le fais avec des gens que j'admire. L'an prochain, je vais en Nouvelle-Zélande pour jouer avec des Maoris. C'est une culture qui m'interpelle et que j'ai envie d'expérimenter.
Adaptez-vous votre jeu de guitare au discours de l'autre ?
J'adapte mon jeu et mon son. Naturellement, j'ai un son saturé. Mais si je joue, au sein d'Interzone, avec Khaled Aljaramani à l'oud ou en duo avec Joëlle Léandre à la contrebasse, je baisse de deux tiers mon taux de saturation, sinon nos instruments s'annulent au lieu de se mélanger, pour des questions de timbres. Je ne collabore qu'avec les gens que j'apprécie. Ensuite, dans l'interaction, je suis responsable de ce que fait l'autre. S'il n'est pas bien, c'est de ma faute. A moi de savoir mieux l'accueillir.
Le duo est-il votre formule préférée ?
Emotionnellement, c'est plus fort car on a un rapport d'intimité. Au départ, Kit de survie, c'est Cyril Bilbeaud et moi. Puis, d'autres duos nous ont rejoints : Marc Nammour et Mike Ladd, Médéric Collignon et Akosh Szelevenyi. A deux, on a toujours des choses à se dire. Alors que dans un groupe, elles peuvent se diluer. On s'épuise, on se lasse.
Quand Noir Désir vous a-t-il lassé ?
Noir Désir était vraiment un cas à part, on a fondé le groupe quand j'étais ado.
Face aux replis identitaires, vos collaborations ont-elles un sens politique ?
Oui, ça fait partie de la démarche. C'est très important parce qu'il en va de notre avenir à tous. Le courant nationaliste, qui monte en Europe, et les replis identitaires sont catastrophiques pour la fluidité des rapports humains. La différence est donc au coeur de mon travail. C'est ainsi que l'on crée. Et la manière dont je pense ma musique est en résonance avec le monde.
Avec qui aimeriez-vous encore collaborer ?
Je pars dix jours à Pékin en décembre pour faire des duos, mais je ne sais pas encore avec qui. J'ai demandé que l'on me trouve des concerts partout, dans la rue s'il le faut, je m'en fous. J'ai besoin de jouer, sinon je reste dans ma piaule.
#478 Interzone - Evasion (Session)
Eric Delhaye Télérama le 16.10.2016
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire