Alejandra Ribera |
Le forum des musiques du monde s’ouvre à des sons jazz et pop-folk
Les musiques du monde ont leurs festivals et leurs lieux, plus ou moins dédiés. elles ont aussi leurs salons, forums et marchés. On s’y retrouve en famille concernée, comme au Babel Med Music, le toujours très fréquenté forum des musiques du monde (environ 15 000 spectateurs et 1 900 professionnels, selon les organisateurs), dont la 12e édition s’est déroulée au Dock-des-Suds, à Marseille, du 17 et 19 mars.
On y a débattu, devisé, entre autres, des collectivités territoriales, jugées de plus en plus pingres, voire assassines dans leur désengagement vis-à-vis d’événements porteurs de diversité culturelle (notamment quand elles changent de couleur politique), on y a déploré la désaffection des médias, de moins en moins portés sur le sujet. On a parlé d’espoir et d’ouverture. « Si nous voulons survivre, il faut s’adapter », ne pas rester dans sa niche, son clan, sa frontière, clament en chœur Bernard Aubert et Sami Sadak, les codirecteurs de l’événement.
Programmés en soirée, après les débats et les palabres de la journée, plusieurs artistes, sélectionnés par un comité de professionnels, témoignent d’une volonté d’ouverture, d’éclatement de «la famille » à Babel Med Music. La chanteuse auteure-compositrice canadienne Alejandra Ribera, découverte en 2015 à travers un disque au charme élégant, La Boca (Jazz Village/Harmonia Mundi) est née à Toronto, d’une mère écossaise et d’un père argentin. Elle chante en anglais (beaucoup), en français (dont un titre avec Arthur H, sur l’album) et parfois en espagnol.
Alejandra Ribera - I Want (Official Video)
Tissage entre flamenco et jazz
Habitée, très singulière dans sa manière de jouer sur les contrastes avec sa voix, passant de la lumière aux ténèbres, de la fragilité à la rage, elle propose à Marseille un univers pop-folk insolite, sans références appuyées à l’un ou l’autre de ses ascendants. Musique du monde? Dans le public, les commentaires évoqueront Ricky Lee Jones, Joni Mitchell ou bien Lhasa.Les climats, l’attitude et la voix d’Alejandra Ribera ont de fait un spectre, des couleurs qui vont au-delà de ces références.
Le contrebassiste de jazz Renaud-Garcia Fons et le pianiste flamenco Dorantes ont donné aux Dock des-Suds un aperçu saisissant de leur connivence et de leur invention musicale, gravées sur l’album Paseo a dos (e-motive records/ l’autre distribution). Ils témoignent d’une créativité musicale sans barrières stylistiques. Leur tissage entre flamenco et jazz, présenté ici, préfigure peut-être une ouverture vers les vocabulaires du jazz dont on parle parfois dans les allées à Babel Med Music.
Flamenco a cordes' de Dorantes amb Renaud Garcia-Fons & Cordes del Món - 'Sin muros ni candados'
Gitan de Lebrija, David Peña Dorantes descend d’une lignée qui fait autorité dans le flamenco (Pedro Peña pour père, El Lebrijano pour oncle, entre autres).
C’est sa curiosité musicale qui l’a amené, nous déclare-t-il, à « mettre le flamenco dans le piano », à aller vers le jazz et dialoguer avec Renaud Garcia-Fons. « Lui est nourri de la tradition flamenca, moi je l’ai étudiée et c’est très fort en moi, explique pour sa part le contrebassiste. A partir de là, nous trouvons un développement naturel. Nous mettons au point une forme passant beaucoup par l’improvisation et qui laisse la possibilité à l’instant de s’exprimer et d’aller chercher le duende, ce quelque chose qui va nous étonner l’un et l’autre. »
Patrick Labesse Le Monde du 22 mars 2016
Alejandra Ribera, en concert le 24 mars à Paris (Café de la Danse), le 26 à Hyères (Var), festival Les Femmes s’en mêlent.
Renaud Garcia-Fons et Dorantes, en concert le 12 mai à Marly en Moselle, festival Marly Jazz Festival.
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire