mercredi 18 mars 2015

Un physique très avenant (Le Monde)



Réédition du chef-d’œuvre de Led Zeppelin, « Physical Graffiti » (1975)

Joyau de la couronne phonographique de Led Zeppelin, aujourd’hui réédité et remastérisé sous la direction du guitariste Jimmy Page, parfait de bout en bout par sa diversité, son jeu avec les formes et les ambiances – folk, blues, funk, hard-rock, pop, musiques du monde (etc.) –, l’album double Physical Graffiti aurait pu ne pas exister.  Lors des premières séances de travail, en novembre 1973, John Paul Jones, le bassiste et claviériste, en a marre. Depuis sa création en octobre 1968, le groupe britannique a enregistré cinq albums, tourné sans répit dans le monde entier, dont neuf fois aux Etats-Unis. Jones envisage de quitter le groupe.



Le chanteur Robert Plant n’est pas au mieux de sa forme vocale.

Peter Grant (1935-1995), manager du groupe, qui sait jusqu’où pousser ses protégés pour se dépasser, sait aussi à quel moment il faut lâcher du lest. Il met de côté l’idée de faire repartir Led Zeppelin sur la route des concerts de plus de trois heures. D’accord pour que l’on appuie sur la touche pause. A raison.

Du retour en studio de Led Zeppelin, en janvier et février 1974, sortent huit morceaux.

Custard Pie, et son accroche funky au Clavinet – ce clavier électrique à la sonorité un peu métallique de la firme allemande Hohner –, que l’on trouve aussi dans le dansant Trampled Under Foot. La longue dérive blues d’In My Time of Dying, poussée par la frappe en triolet sur la grosse caisse du batteur John Bonham (1948-1980), traversée de parties solistes de Page. Le voyage hypnotique vers l’Orient de Kashmir avec son appui de cordes et de vents. Ten Years Gone, qui oscille entre folk et pop, dans un empilement de guitares façon mur de son à la Phil Spector.

La construction en tensions d’In The Light. De quoi remplir plus d’un album. Pas tout à fait assez pour un double.

Loin du remplissage

Des enregistrements mis de côté lors des précédents albums (Led Zeppelin III, Led Zeppelin IV et Houses of The Holy) sont alors sélectionnés. Le groupe ayant toujours été très sévère avec lui-même, on est loin du remplissage.

Le très rock The Rover, le court instrumental folk Bron-Yr-Aur, Down By The Seaside dans son intrication pop et country, le blues champêtre Black Country Woman... Les chansons sont retravaillées, Jimmy Page ajoute des parties de guitare. Et Physical Graffiti prend forme lors de longues semaines de postproduction. Pour aboutir à un ensemble cohérent, publié le 25 février 1975.

L’emballage du disque – une reproduction de la façade de deux immeubles au 96 et 98 St Mark’s Place à New York – aura autant d’impact que la musique. Derrière les fenêtres et les portes ajourées de la pochette conçue par Mike Doud et Peter Corriston, apparaissent, lorsque l’on glisse les pochettes intérieures, des photographies. Tableaux Renaissance aux motifs religieux, Elizabeth Taylor en Cléopâtre, Buzz Aldrin sur la lune, Lee Harvey Oswald, une exécution par le garrot, un chat, un cheval, un Zeppelin, les quatre membres du groupe travestis, un strip-tease en cinq étapes. Les lieux sont toujours visités des fans. Qui, depuis la sortie de l’album, échafaudent des théoriessur le choix et la signification de telle ou telle image.

sylvain siclier (Le Monde du 3 mars 2014)

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