samedi 13 décembre 2014

John Hiatt, le blues à l’état de mature (Libération)








Ce compositeur américain hors pair sort un 22e album studio, plus roots que jamais.

Voici un artiste dont la réputation a toujours été plus grande que le succès populaire. John Hiatt aura joué avec les plus grands et vu ses compositions reprises par Bonnie Raitt, B.B. King, Rosanne Cash, Eric Clapton, Dr Feelgood, Iggy Pop ou bien les Neville Brothers, Ry Cooder et même Dylan, pour ne citer qu’eux. Tous auront contribué à lui donner l’envie de continuer à produire ses reliques bluesy et ses ballades tintées d’accents du sud des Etats-Unis.



John Hiatt, issu d’une famille catholique d’Indianapolis, aura été prolifique dès son plus jeune âge. Une guitare et un bout de papier lui ont souvent suffi pour s’évader. Réfugié très jeune à Nashville pour fuir un blues familial des plus noirs, il passe son temps à écouter Dylan en regardant des courses de voitures, et honore un contrat de compositeur avec une boîte d’édition locale pour 20 dollars par semaine. Des heures à enregistrer les quelque 250 chansons qu’il a composées. Il a tout juste 18 ans. Quarante années plus tard, Hiatt signe à 62 ans un 22e album studio, Terms of My Surrender. Pas pour abdiquer mais pour montrer que ce compositeur hors pair a toujours l’âme qu’il faut pour jouer du blues.

Tournure.«C’est vrai que j’ai eu un succès modéré, reconnaît-il par téléphone, depuis son ranch près de Nashville. J’ai pris beaucoup de plaisir dans la vie. Aujourd’hui, je fais ce que je veux. Le succès, c’est ce qu’on désire quand on est jeune. A mon âge, vous n’avez pas de regrets.» Ce dernier disque, légèrement différent des autres, est plus roots. Même si Hiatt ne sait pas trop pourquoi il a pris cette tournure.

«J’ai écrit les chansons et cherché quelqu’un qui pouvait m’aider à faire un bon disque.» En fait, Doug Lancio, son producteur et guitariste, lui a conseillé de lâcher sa guitare électrique pour une Gibson J45. «C’est juste une guitare et une voix, et on a poussé ça jusqu’au bout, dit Hiatt. Je l’avais imaginé un peu à la Elmore James, puis j’ai pris l’acoustique, et c’est bon. C’est naturel.» La voix est aussi plus mature, travaillée par l’âge. «C’est plus mon registre !» John Hiatt avait commencé à frapper aux Pays-Bas dans les années 70, apprécié par le public du Paradiso à Amsterdam. A l’époque, il fusionne avec brio blues, rock et country, puis finalement délaisse l’ambiance de Nashville pour celle de Los Angeles. Sa rencontre avec Ry Cooder va lui permettre de se faire mieux connaître. Le maître du bottleneck, associé à Nick Lowe (bassiste) et Jim Keltner (batteur), s’invite sur Bring the Family en 1987, album produit par Glyn Johns (Led Zeppelin, Beatles, Rolling Stones, Bob Dylan…). Cinq ans plus tard, le quatuor décide de se réunir sous le nom de Little Village. La réunion des quatre monstres aurait dû être magique. Elle tombe à l’eau, essentiellement pour un désaccord financier. «Parfois, même quand tout est parfait, ça se casse la gueule, continue-t-il. Mais il n’y a rien de mal à ça.»

Mentor. Il réussit à être nominé pour le meilleur album de folk contemporaine aux Grammy Awards en 2001, avec Crossing Muddy Waters. Il fera ensuite quelques apparitions sporadiques mais toujours efficaces comme au Ryman de Nashville pour Levon Helm, le batteur du Band et, en 2011, pour Treme, la série post-Katrina du créateur de The Wire.

Il y a un mois, John Hiatt a rejoué avec Ry Cooder à Nashville à l’occasion d’un showcase. «Cela faisait vingt-cinq ans qu’on n’avait pas joué ensemble, et rien n’a changé, assure-t-il. Le temps c’est comme le rythme. Battre la mesure aujourd’hui ou il y a vingt ans, c’est la même chose. Et le même groove était là.» John Hiatt n’a rien oublié. Il est certain qu’il finira par rejouer avec son mentor guitariste. «C’est mon meilleur prof de guitare, une révélation pour moi, répète-t-il. On sert une très bonne soupe qui vient du Sud. Tout cela, c’est la même source, et son eau a un super goût !»

Dino DI MEO Libération du 23 novembre 2014

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