Bertrand Cantat |
Paléo FestivalL’esprit de Noir Désir planait sur les Arches dimanche, pour le retour à Nyon du chanteur avec Détroit, son nouveau groupe.
«Combien de temps déjà, combien de temps passé dans ce tunnel, derrière la porte close…» Les guitares cherchent la note sourde, toute proche, pour la ferrer au fond des pédales de distorsion. C’est un rock plus lourd que lourd, une matière noble craquelée. Les cordes tendues, le piège se referme, ne laissant s’échapper que les cris…
Dimanche, 20 heures, scène des Arches: Détroit embarque la foule dans sa frénésie. Le son frappe, la gorge brûle. Bertrand Cantat est vivant. Détroit, son nouveau groupe, l’a remis sur la scène, dans la grande arène où l’on communie ensemble autour d’une idole. Où tout se règle entre hommes, à cinq, basse, batterie et claviers en soutien, dans une lutte distordue entre la poésie et les décibels.
Bertrand Cantat connaît Paléo. Noir Désir y était venu. Concert d’anthologie, miracle du punk français qui bouffait à pleines dents la chanson à texte. Le quatuor n’existe plus. Cantat, lui, est revenu, s’engageant avec voracité dans cette nouvelle opportunité de rencontrer le public.
«Merci, toujours aussi magnifiques festivaliers de Nyon. Comme toujours! Comme toujours! Comme c’est bon de vous retrouver.» Il sourit, semble heureux. Les têtes se sont refroidies. Pourtant, «l’affaire Cantat» se glisse en creux dans les conversations. Comme pour se rassurer. Cantat sort de scène?! Pour s’éponger la figure, le voici qui revient. Tout va bien.
Au cœur de la foule, on retrouve les fans, tous acquis, tout frissonnants. Autour, les curieux, plutôt ravis. Rencontrées en chemin, deux dames, déjà âgées: «On vient pour le classique, pour Gautier Capuçon… et Détroit!» Ainsi va le rock. Un peu plus pop qu’avant pour Détroit. Mais si fort, et si bon. A nouveau, on peut écouter la musique. Elle est superbe. Les reprises aussi.
Bertrand Cantat |
Gonflé à bloc, Bertrand Cantat assume l’âge de ses chansons. Plus toutes neuves, toujours essentielles. Mais son nouvel équipage lui autorise des divergences d’avec Noir Désir, dérivant avec malice dans un tempo subitement funky, paroles scandées, ailleurs dans le rhythm’n’blues, tempo lent et lancinant pour Lazy.
Et la voix, bien sûr. Ecorchée, puissante, feutrée, frissonnante. Retrouvée elle aussi. Apaisée. On la savait assagie de trop avoir crié jadis; mais la rage est bien là, qui affleure à la surface. Une porte s’ouvre. Un univers musical en prise avec le passé, mais tourné vers l’avenir, s’est remis au travail.
Bertrand Cantat se gratte la tête, surpris. Pas mal à l’aise. Juste ému. Comme le public. Enfin, résonne Tostaky, l’hymne abasourdissant de feu Noir Désir. Tostaky, contraction de «Todo está aquí», en espagnol, «tout est ici». Dimanche, la possibilité de s’entretenir avec le groupe tenait de l’impossible, les musiciens se barricadant derrière un silence complet vis-à-vis des médias. Pas besoin. Tout est ici. Sur scène.
Fabrice Gottraux (24 heures) le 28 juillet 2016
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