À la tête d’un groupe fascinant, la fille de Nina Simone a galvanisé le public. La fête gersoise continue avec le diamant cubain Roberto Fonseca, le funky Fred Wesley…
Fara C. L'Humanité, le 5 aout 2016
Jazz in Marciac a démarré sur les chapeaux de roue sous l’intrépide conduite de Panam Panic, en première partie du pianiste Yaron Herman et du chanteur-guitariste M, qui ont attiré un nombreux public. Panam Panic a convié l’Afro-Américain Beat Assailant et son rap en barricade. « C’est ma première grande découverte de cette 39e édition », déclare une fidèle festivalière. Dès le deuxième jour, le public a deux autres révélations : GoGo Penguin et Snarky Puppy, qui mettent le feu aux poudres. Le lendemain, Ibrahim Maalouf attire 5 500 fans que le trompettiste Stéphane Belmondo, en première partie, emmène sur les ailes de son œuvre Love for Chet. Deux jours après, les mélomanes touchés par ce bijou dédié à Chet Baker en parlent encore…
En l’espace d’un an, l’artiste a tourné aux quatre coins du monde
En 2015, Lisa Simone avait, elle aussi, emporté l’adhésion de l’exigent public marciacais. Au début, ce dernier semblait dans l’expectative devant la fille de la légendaire Nina. Progressivement convaincu par le talent qu’il découvrait, il lui a réservé une standing ovation, inoubliable pour la chanteuse et auteure-compositrice. « Ce souvenir est gravé en moi, nous confie Lisa, un an après. Durant les premiers titres, j’avais le trac comme pour un examen de passage. C’était d’autant plus stressant que beaucoup de gens m’avaient dit avoir vu ma mère se produire à Marciac. Au cours du concert, j’ai senti lentement l’atmosphère se détendre, s’échauffer, jusqu’à l’explosion finale de bravos. Et j’ai éprouvé un soulagement mêlé de félicité. » Le triomphe fut tel que Jazz in Marciac l’a remise à l’affiche de son 39e cru, avant-hier. En l’espace d’un an, l’artiste a tourné aux quatre coins du monde et a publié un deuxième disque, My World, salué par la critique la plus vétilleuse. Elle instille, dans son expression scénique, la sérénité que la reconnaissance a contribué à développer en elle. Sur l’immense scène du chapiteau, elle fait offrande d’un art affranchi des angoisses existentielles qui la taraudaient depuis son enfance cabossée par la vie. Elle évoque sa maman avec une infinie tendresse et, même, une gratitude dont elle se serait peut-être sentie incapable quelques années auparavant. Sa participation au captivant documentaire de Liz Garbus sur Nina, What Happened, Miss Simone ? (2015), l’a aidée. « Ce film m’a donné l’opportunité de me pencher de nouveau sur l’incroyable itinéraire de ma mère. Ceci, à la lumière de ma propre expérience : le tourbillon de l’artiste sous les feux de la rampe, les tournées harassantes, etc. La réalisatrice a narré avec un profond respect l’histoire de Nina, son combat auprès des Black Panthers et des activistes pour les indépendances en Afrique. Et, surtout, son chagrin inconsolable face à la ségrégation qui lui a interdit de devenir la pianiste classique qu’elle rêvait d’être, ce qui est la clé de son parcours. Si l’on ne saisit pas la douleur et la frustration qui ont enserré son âme suite à cet ostracisme qui l’a frappée dès sa jeunesse, on ne peut comprendre pleinement Nina Simone. »Sous un chapiteau bien rempli, l’époustouflant trio formé par le Franco-Sénégalais Hervé Samb (direction musicale, guitare), l’Afro-Américain Reggie Washington (basse) et le Guadeloupéen Sonny Troupé (batterie) officie en totale osmose avec elle. Quand Lisa reprend le manifeste de Nina Simone Ain’t Got No, I Got Life, l’émotion s’intensifie. Puis se transforme en liesse lorsque Lisa descend parmi le vaste auditoire pour chanter et danser.
« Quelle générosité ! » chuchote Abd Al Malik, qui, au sein du public, savoure le bonheur de l’instant. À la fin du concert, il accepte de nous parler : « Avec ce groupe qui relie l’Amérique, les Antilles et l’Afrique, Lisa livre un symbole d’une puissance inouïe. Au triangle tragique de la traite négrière et aux séquelles toujours actuelles, elle répond, majestueuse, par un acte d’amour. Elle ôte les scories, pour nous offrir une beauté pure, une force fédératrice, une énergie solaire. »
Ciné marciac
Jazz in Marciac, c’est aussi un mirifique programme concocté par Isabelle Bérat. Des longs métrages musicaux : Get On Up, James Brown une épopée américaine (de Tate Taylor), Paco de Lucia, légende du flamenco (Curro Sanchez), The Whole Gritty City (Richard Barber et Andre Lambertson), documentaire sur la résilience par la musique… Et des films à dimension sociale, comme l’Histoire de l’immigration italienne dans le Gers (Jean-Pierre Vedel). Salle classée art et essai, label jeune public, avec climatisation, boucle malentendant, ascenseur ; http://marciac.cine.allocine.fr/.Jazz in Marciac, jusqu’au 15 août, http://www.jazzinmarciac.com.Lisa Simone, en tournée, http://lisasimonemusic.com ; CD My World(Sound Surveyor Music/L’autre distribution).
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