Fiesta des Suds: Grands récitals sous le chapiteau pour Imany et Paco et intimité feutrée avec Eténèsh Wassié. Paco de Lucia, le vieux monarque… photo: MIGUE MARIOTTI
Dix-neuf ans d’âge et toujours des surprises. Les organisateurs de la Fiesta savent renouveler les itinéraires qui conduisent les spectateurs aux différents podiums, de telle sorte que l’on se retrouve à tâtonner en terrain connu. L’un des heureux changements qui marquera l’édition 2011 est la qualité de l’acoustique et du mixage ; le chapiteau est en fait devenu un gigantesque auvent bien plus aérien que l’ancien en toile de jute et bien moins sourd que la couverture de la passerelle. Samedi soir, y avaient rendez-vous deux artistes que tout sépare : Imany un jeune joyau de la Pop mondial made in Comores et France qui triomphe avec son premier album The shape of a broken (le contour d’une brèche) et une légende vivante de la guitare flamenca dont on ne compte plus les enregistrements. Différents dans les styles et différents dans leurs démarche, Imany choisit le mainstream soul-rock, Paco de Lucia a résolument tourné le dos à la fusion de Friday Night in San Francisco (John MacLaughin, Al Dimeola) qui lui avait ouvert une gloire mondiale.
La jeune princesse s’offre une orchestration chaude et audacieuse (avec deux violoncelles) et le vieux monarque instille toujours ses phrases fulgurantes qui viennent rompre la cadence. Imany malgré sa courte carrière fait montre d’une réjouissante roublardise en détournant l’iconique Mamma de Queen, en allégeant les breacks classiques du thème et l’installant dans un registre plus profond, plus saoul, assez loin des excentricités poudrées de Fred Mercury.
Le secret de la Fiesta des Suds tient à sa capacité paradoxale à drainer de joyeuses foules d’une scène à l’autre tout en créant des recoins où on peut savourer un bel instant musical. Le concert d’Eténèsh Wassié et Mathieu Sourisseau offrait cette qualité d’écoute dans l’intimité du Cabaret. Droite dans sa robe de coton vaporeux, l’Azmari développe les thèmes lancinant qui font de la musique éthiopienne un carrefour intercontinental. Au pied de cette trouvère, Mathieu Sourisseau joue de la guitare, rauque, comme il tenait sa basse. Le couple alterne les chansons d’amour triste, les prières orthodoxes sans s’effrayer de dissonances modernes.
Cette mise en bouche exigeante tenue sous la langue comme un bonbon au piment, on pouvait sans crainte aller goûter à la fusion de Zaman Fabriq. Le combo fondé autour du guitariste Bruno Allary met en bouquet le chant soufi de Cheikh Zeïn Mahmoud, la très belle flûte d’Isabelle Courroy avec un duo rythmique inédit, une basse bondissante et un human beat boxer, Tiko, qui ne lâche jamais le crachoir.
Dans la même salle des Sucres, un peu plus tard, le duo de l’Afrique enchantée sur France Inter, Soro Solo et Vladimir Cagnolari, a décidé de transformer leur belle complicité d’antenne en étincelle d’un bal. Le pari est pleinement réussi. L’orchestre est impeccable, les deux tchatcheurs ont sourire en demi-lune et les standards rigolards ou rares alternent avec les compositions originales des mercenaires enchantés. La salle chavire dans une fièvre de 20 ans. En musique, la jeunesse est éternelle.
BENOIT GILLES ET ANTONIO MOREIRA La Marseillaise du 17 octobre 2011 |
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