jeudi 12 juillet 2012

Patti Smith, la religion du rock déboule sur la Grande Scène de la Fête de l'Humanité (L'Humanité)

Portrait avec lacunes d’une artiste qui  navigue d’éclats  en retraits et viendra, emblématique de  son ardeur contenue  de silences, illuminer  la Grande Scène.  



Débordante de littérature et d’inventivité musicale, Patti Smith livre un nouvel album au terme de huit ans d’attente de son public. Elle convoque dans Banga lunes noires et chers fantômes, oiseaux de saint François et fresques du rêve debout que son imaginaire d’artiste relie au monde. Voix douce parfois, ailleurs assourdie comme les tambours sacrés qui soutiennent la révélation du mystère de la communion des arts. Ainsi du morceau titre intitulé d’après le nom du chien inventé par Boulgakov dans le Maître et Marguerite.

Patti Smith depuis toujours édifie cette sorte de passerelle, arpente le blues du ciel et s’éblouit des illuminations de l’asphalte. Celles de Rimbaud avaient bouleversé l’adolescence de cette fille d’une serveuse chanteuse de jazz et d’un ouvrier, née en 1946, élevée dans le New Jersey. De son propre passage à l’usine elle produira une pièce parlée, Piss Factory, qui deviendra en 1974 l’un de ses premiers titres chantés, enregistré en compagnie du pianiste Richard Sohl et du guitariste Tom Verlaine. Patti avait travaillé à la chaîne pour rompre les siennes et rejoindre la scène artistique d’avant-garde dont l’effervescence se jouait à New York dans les années 1960. Elle y parvient battante des pulsions primitives du rock de Little Richard, de ses admirations pour Hendrix, James Brown, Bob Dylan ou Jim Morrison, des contributions au rythme que s’accordent musique et poésie. Incandescence de William Burroughs et d’Allen Ginsberg, phrasé racinaire de William Blake, spleen de Charles Baudelaire dont elle remerciera les étoiles du ciel de Paris lors du séjour qu’elle y accomplira en 1969 avec son ami d’amour, le photographe Robert Mapplethorpe, rencontré lors de son arrivée à Manhattan.

Dès ce moment, Patti Smith transmute la vie en art, écrit des articles pour des revues de rock, des pièces parlées qui la font connaître sur la scène underground. Elle écrit également des poèmes dont elle donne lecture, parés en 1971 de l’accompagnement musical du guitariste Lenny Kaye. Jours de libres expérimentations, nuits de concerts et de performances au CBGB, frissons brûlants de Janis Joplin, orages de velours noirs et pourpres du Velvet. Depuis lors, le rock est à Patti Smith le courant originel de la création, éclairage divin au prisme des clignotements d’une enseigne dans une chambre du Chelsea Hotel. Elle y a séjourné avec Mapplethorpe. De lui, la photo de l’album Horses qui en 1975 cristallise les talents de Patti Smith et lui ouvre la reconnaissance au plus fort. L’image de grâce androgyne à peine posée sur l’armature fine du corps, une seule prunelle haute et sombre sous la crinière emmêlée qui réfute les séductions ordinaires, ne la résume pas. Elle demeure emblématique de son ardeur contenue de silences, d’une présence dont la sensualité sourd dans les réserves ainsi que l’on nomme les parties invisibles d’un tableau, d’une aptitude à la limpidité à condition d’en faire le choix. La route s’est poursuivie jusqu’à l’actuel croisement céleste.

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