vendredi 6 juin 2014

Bertrand Cantat a retrouvé son public parisien


NOUS Y ÉTIONS - Le fondateur de Noir Désir donnait, dimanche, le premier concert parisien depuis son retour avec le groupe Détroit. Communion, folie nostalgique et oubli étaient au rendez-vous d'une prestation de plus de deux heures.

Bertrand Cantat s'est déjà produit sur plusieurs scènes, dont celle du Printemps de Bourges en avril. Crédits photo : GUILLAUME SOUVANT/AFP

«Tu nous as manqué.» La phrase est lâchée dès les premières secondes, avant même que Bertrand Cantat ait le temps d'ajuster sa guitare. Dans une Cigale au complet, l'un des nombreux fans serrés dans les rangs lance ce cri tonitruant, immédiatement applaudi par la foule. Une satisfaction des retrouvailles affichée dès le départ. Le fil rouge du premier des cinq concerts de Détroit à Paris est déroulé.

T-shirt noir et guitare au cou, le fondateur de Noir Désir ne paraît pas ses cinquante ans fêtés en mars. Ses éternels cheveux en bataille rappellent ses airs juvéniles de toujours. Le large sourire qu'il affiche face à la foule efface d'un coup les images de son visage défait qui ont défilé depuis dix ans. «Ça fait plaisir d'être là», lâche sobrement le chanteur entre deux cris du public. Les applaudissements durent, avant que ne retentissent les premières notes.

Ils sont quatre à l'accompagner sur scène. Pascal Humbert, le bassiste qui forme avec lui le duo de Droit dans le soleil, mais aussi Bruno Green au clavier estampillé «Non à Notre-Dame-des-Landes», Niko Boyer à la basse et Guillaume Perron à la batterie. Premier titre symbolique avec Ma Muse: «Que s'éloigne le pire, que s'effacent les frontières [...] Autrement dit: “Sois toujours... au rendez-vous”.» Les fans y sont, au rendez-vous. De tous les âges, malgré, au premier rang, une nette tendance aux cheveux blancs pas forcément habituelle.
«Ça m'a manqué tout ça»

Les titres de Détroit s'enchaînent. Puis arrive À ton étoile. Dès les premières notes, des feuilles émergent de la fosse. «Ça m'a manqué tout ça», peut-on lire sur ces pancartes improvisées, phrase tirée de la chanson. Entre deux riffs, Cantat attrape tout sourire l'une de ces déclarations et la colle fièrement sous le nez des ses musiciens, avant de brandir le trophée devant la salle. «À moi aussi.» Nouveaux cris, nouvelle hystérie.

De pogo en bras levés, le concert ressemble à beaucoup d'autres rendez-vous de fans et de leurs idoles. Drôle d'impression pourtant que de voir ces quadras ou quinquas revivre les chansons de leur jeunesse dans une énergie adolescente, comme si les dix dernières années n'avaient pas existé. Oubliée la prison, oubliées les années, reléguées aux textes de chanson. Ne reste qu'une indéfectible adoration nostalgique. Peu importe que cela soit impossible, tous voudraient croire au retour des grandes heures de Noir Dés'.
Folie et oubli

Tous les hymnes de Noir Désir y passent. Des Visages, des figures, Lazy, Lolita nie en bloc. Deuxième communion assourdissante sur Un jour en France, une semaine tout juste après le score sans précédent du Front national aux élections européennes. «N'y voyez aucun opportunisme, simplement une réaction naturelle», se défend Bertrand Cantat pour annoncer la chanson. Les quelques cordes vocales qui subsistaient dans le public finissent par sauter. Sur Tostaky, Cantat rappelle qu'il n'a rien perdu de la folie qui marquait les concerts de Noir Désir, lorsqu'il se met à tourner tel un lion en cage au milieu des micros et des câbles d'ampli. Une folie qui pourrait rappeler celle de ce sombre jour de juillet 2003, où le cocktail d'alcools et de stupéfiants a transformé le destin du chanteur adulé en meurtrier. Mais personne dans la salle n'est là pour s'en souvenir.

Oublier semble le sens même de la prestation qui court sur scène comme dans la salle. Jusqu'à l'osmose totale de Comme elle vient en finale interminable, dernier rappel d'une longue liste. Un show de deux heures quinze. La salle en redemande, se bagarre pour les médiators. Un vigile de la Cigale finit par apparaître sur scène pour mettre tout le monde dehors. Tout doit recommencer le lendemain soir. Dans cette machine à remonter le temps, les titres et le public sont restés les mêmes, mais Bertrand Cantat a troqué ses compagnons de toujours pour de nouveaux acolytes. Difficile de savoir ce qui lui trotte dans la tête à ce moment. Reste que dedans comme dehors, il sait qu'il agite les passions.

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