dimanche 1 octobre 2017

Jazz à Vienne honore Coltrane (La Croix)

Jazz à Vienne


Les saxophonistes Archie Shepp et Pharoah Sanders se sont succédé sur la scène du théâtre antique de Vienne (Isère) pour évoquer avec de jeunes musiciens, John Coltrane décédé il y a 50 ans.



Le festival Jazz à Vienne a permis le temps d’une belle soirée d’évoquer la mémoire d’un génie et de jouer sa musique, le saxophoniste et compositeur John Coltrane, décédé le 17 juillet 1967.

Son ami Archie Shepp, 80 ans, qui est devenu saxophoniste après avoir entendu jouer Coltrane et qui a enregistré avec lui A Love Supreme en 1965, fut la star d’une soirée étoilée, sur scène et dans la nuit sans nuages de Vienne.

L’esprit de la musique noire

« Coltrane a été élevé dans une famille très religieuse, proche de l’Église, expliquait Archie Shepp avant de monter sur scène. Il porte dans sa musique la mémoire de l’esclavage et la spiritualité qui sont l’esprit de la musique noire. Son humanité s’accompagne de beaucoup de travail. Il a inventé une nouvelle façon de jouer la gamme, créant des sons inédits, révolutionnant le saxophone. Sa musique est une combinaison entre Charlie Parker et un prêcheur d’Église. »

Pour honorer le maître, Jazz à Vienne a réuni la fine fleur du jazz devant les 2 800 spectateurs, captivés, du grand amphithéâtre gallo-romain. Des anciens et des jeunes, du « free-jazz » et du « mainstream », de l’improvisation et des standards, de la musique et du chant, il y en eut pour tous les goûts.

Saxo, pianistes et DJ

Un premier jazzman de légende, Pharoah Sanders, 77 ans, accompagné de son quartet, a fait résonner le premier les sonorités intenses et caressantes du saxophone, accompagnant en musique un coucher de soleil radieux sur les collines de la cité iséroise.

Puis, incarnant la relève, le saxophoniste français Émile Parisien et le DJ américain Jeff Mills ont exploré la face plus expérimentale de Coltrane, jouant des morceaux tels que Jupiter, au rythme déroutant, dont l’inventivité a fasciné des générations de musiciens et d’auditeurs.

Quand Archie Shepp et sa formation All Star ont fait leur entrée vers 23 heures 30, la nuit était bien noire, la lune brillait sous une petite brise, et une ovation immense a parcouru le théâtre antique. « John Coltrane m’a permis de faire mon premier enregistrement, et encore aujourd’hui, quand j’ai des difficultés techniques, je lui parle. C’est mon grand frère », a lancé le vétéran du jazz, en français, sous les applaudissements.

La formation franco-américaine qui accompagnait Archie Shepp a impressionné le public averti de Jazz à Vienne. Un fulgurant pianiste, le texan Jason Moran, la chanteuse française Marion Rampal, à la technicité vocale sans faille, le trompettiste Amir ElSaffar, le batteur Nasheet Waits ont été rejoints par un saxophoniste prodige Shabaka Hutchings. Dans l’œil du jeune artiste, une admiration presque éberluée pour son aîné, avec qui jouer est un privilège, un Graal pour tout musicien de jazz.

Toujours impérial à 80 ans, Archie Shepp a joué Coltrane, mais aussi Duke Ellington et ses propres compositions. Concluant la soirée en lançant de sa voix très grave : « jusqu’à la prochaine fois, au revoir… »

Nathalie Lacube, La Croix, le 04.07.2017

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