mardi 19 mai 2015

«Trois mots, trois notes, ça suffisait» (Libération)




Des musiciens français racontent en quoi, selon eux, B.B. King était «le maître absolu» du blues.

Les hommages à destination de B.B. King abondaient vendredi sur les réseaux sociaux, d’Eric Clapton («un ami et une source d’inspiration») à Buddy Guy («B.B. King est l’homme le plus fantastique que j’ai rencontré dans ma vie»). Nous avons demandé à trois générations de guitaristes et bluesmen français ce qu’ils retiennent du personnage.




Norbert Krief guitariste, cofondateur de Trust

«C’était un monument. Un bluesman avec une vie extraordinaire. Déjà par son parcours : celui d’un Black des années 20 issu des champs de coton, une racine pure et dure du blues, qui a eu une carrière phénoménale jalonnée par une quinzaine de Grammy Awards.

«Je l’écoute depuis mes 7 ou 8 ans, jusqu’à aujourd’hui. Un morceau préféré ? When it All Comes Down (I’ll Be Around). Sa voix m’a toujours transporté. Même sur ses derniers albums, je ne suis pas critique. Vu son âge, c’était quand même des réussites. Pareil pour les concerts. Il est resté debout sur scène jusqu’au bout, jusqu’au dernier souffle.

«B.B. King était l’âme du blues, par sa voix et son jeu de guitare pur et envoûtant. Le maître absolu. Un personnage irremplaçable, comme Jimi Hendrix, Elvis Presley ou Michael Jackson.

«Je l’ai croisé deux fois, je n’ai pu que lui serrer la main. Une poigne douce, bizarrement. C’était il y a une dizaine d’années, après un concert. Il était déjà âgé. On voyait que c’était quelqu’un de profondément humble et modeste. Il transpirait la gentillesse.»

Fred Chapellier bluesman français

«Comme pour beaucoup de musiciens, il représente pour moi le blues. Une référence. J’ai toujours écouté B.B. King, depuis que je suis petit, grâce à mes frères plus âgés. D’autres musiciens étaient peut-être meilleurs que lui, mais B.B. King était aussi bon au chant qu’à la guitare, avec un son reconnaissable entre mille, feutré, incisif et doux à la fois. Mélodieux.

«Pour tout le monde, c’est la voix du blues, avec deux ou trois autres chanteurs tels que John Lee Hooker. Et son bagage musical était énorme : de belles harmonies, une grande intelligence musicale, une voix qui dresse les poils tout de suite.

«Mon album préféré, c’est Live at the Regal ou Live at San Quentin, enregistré dans une prison. Pour les chansons, il y a The Thrill is Gone, forcément, mais aussi Sweet Little Angel, Rock me Baby…

«Qu’il ait été associé à plein d’artistes montre qu’il était une référence quel que soit le genre. Tout le monde voulait le côtoyer et jouer avec lui.

«Je l’ai croisé et vu en concert en 2009 au Palais des congrès à Paris. Il était un peu fatigué. En vieillissant, il s’économisait. Mais le frisson était toujours là. Pour moi, trois mots, trois notes, cela suffisait. Il était le roi.»

«Il laisse une place qui ne sera jamais occupée. Il reste Buddy Guy, certes. Mais le chapitre est clos, les trois King [Albert, Freddie et B.B.] sont morts.»

Nina Attal Blueswoman française

«B.B. King a beaucoup représenté pour moi. Quand j’étais ado j’écoutais AC/DC, Led Zep, mais la première fois que je l’ai entendu, j’ai su que le blues allait m’accompagner toute ma vie.

«Il avait un jeu de guitare efficace. Dans chaque note, il mettait une émotion. Chez lui, une note raconte une histoire. C’est un guitariste pas très bavard mais précis. Chaque note était bien placée, il y avait ses tripes dans chacune d’elles. De même pour la voix. Il chantait avec son âme.

«Dans sa discographie, je choisis Live in Africa, enregistré au Zaïre, au moment du combat de boxe Foreman-Ali en 1974. Et Playing with My Friends, en duo avec Robert Cray, festif et axé sur le partage.

«Pour moi, c’est l’artiste qui représente le mieux le blues. Il exprimait tout. Il représentait les racines, l’authenticité. Quelque chose de magique.»

Recueilli par Guillaume Tion pour Libération le 16.05.2015


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