Saxophone |
De la feuille de laiton au saxophone étincelant, du vacarme de l’atelier à la musique des plus grands du jazz, il faut compter 35 heures de travail pour assembler 750 pièces chez le leader mondial du saxophone haut de gamme Henri Selmer.
Créée en 1885, l’entreprise produit depuis 1920 à Mantes-la-Ville (Yvelines), à une cinquantaine de kilomètres de Paris. A un tournant de son histoire, elle est aujourd’hui en passe de céder trois quarts de son capital, jusqu’alors détenu uniquement par les descendants du fondateur, à un fonds d’investissement.
Le maison familiale accueille aujourd’hui les bureaux, entourée par les 20.000 m2 des ateliers. L’entreprise, qui compte 500 salariés, a réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros. Elle revendique plus de 90% de part de marché sur le haut de gamme au niveau mondial.
Des musiciens comme Charlie Parker, John Coltrane ou Stan Getz ont joué du Selmer.
La feuille de laiton découpée et formée, les flammes crachées par le chalumeau pour la soudure font rougeoyer l’alliage, à 750°C.
«Une fois que le pavillon est soudé, on écrase la soudure», explique Jérôme Selmer, directeur général et arrière petit-fils d’Henri Selmer. Soudure qui sur l’instrument fini est indécelable. Puis la pièce est rectifiée sur le mandrin, martelée à la main.
A 59 ans, Jérôme Selmer est dans sa 36e année dans l’entreprise familiale, qu’il a intégrée quasiment à la sortie de ses études, avant de gravir tous les échelons jusqu’à prendre les rênes de la société en avril 2017.
Lors de toutes les opérations de fabrication, l’instrument «souffre», raconte-t-il. «On le martyrise, on le brûle, on le chauffe, lui tape dessus», mais il n’est «pas rancunier». Une fois sa forme définitive obtenue, «il nous donne sa plus belle voix».
- 'Objet vivant' -
Tout, jusqu’aux plus petites vis, est fabriqué sur place. Le polissage se fait à la main. «Il faut deux ans pour former un bon polisseur», un métier «dur», «debout». La même opération entièrement mécanisée «ne permet pas de garantir la qualité acoustique», explique le directeur général, soulignant que la «signature Selmer, c’est le son» d’un instrument «qui a une âme, qui a une sensibilité, un souffle qu’on ne trouve nulle part ailleurs».Dans la pénombre, José Alves, 29 ans de maison, scrute un saxophone sur son établi. Grâce à une petite lampe glissée dans le tube, il vérifie l’étanchéité: «quand il n’y a pas de lumière qui passe, c’est qu’il n’y a pas d’air qui passe. Il «contrôle les réglages», «l’homogénéité des ressorts» en pianotant sur les touches.
«C’est un peu comme une voiture, avant que le client ne prenne la route, il faut faire des essais», résume-t-il en souriant. Une dizaine d’instruments passent chaque jour entre ses mains.
Un peu plus loin, une cascade de notes retentit. «Encore un tout petit peu... C’est bon !» Dans une petite pièce carrée presque aveugle, sous les instructions d’un musicien, on peaufine les réglages d’un saxophone encore en bonne partie recouvert d’un plastique bleu pour le protéger.
«On va faire exactement ce que fait le client» quand il essaie un instrument, explique Sebastian Saras, saxophoniste colombien de 27 ans, «chaque instrument a une voix, il faut choisir le sien».
Le «testeur» approuve chaque pièce qui passe entre ses mains d’un coup de tampon. Un geste qui engage sa responsabilité «en tant que saxophoniste» de dire que cet instrument «fonctionne» et qui assure une traçabilité en cas de problème.
Un saxophone, «ça bouge quoi qu’il se passe», «c’est un objet qui est un peu vivant», poursuit-il, en plaçant de petites cales en liège pour bloquer les clés et limiter le phénomène.
En fin de circuit, les instruments sont installés dans un coffret de polystyrène. Ils seront vendus entre 4.000 et 5.000 euros pour un alto haut de gamme. Sur les 10.000 saxophones qui sortent des ateliers Henri Selmer chaque année, 85% sont exportés.
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