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jeudi 6 avril 2017

El Comunero accoste sur les rives d’Amérique latine (L'Humanité)

El Comunero
El Comunero


 


Le troisième opus du groupe toulousain, fidèle aux chants de lutte de la République espagnole, revisite un répertoire latino-américain populaire, poétique et politique.



Leurs précédents albums étaient des traversées de la guerre d’Espagne, odes à la résistance des combattants républicains contre les fascistes du général Franco. Le groupe toulousain sort un troisième opus, Son de la barricada, un voyage musical entre l’Espagne qui résiste et l’Amérique latine qui lutte. Point de départ de l’exploration de ce nouveau continent de chansons populaire, Oaxaca, au Mexique, où fut écrasée, en 2006, une insurrection dont les répliques suscitent toujours une sanglante répression,  dans un lourd climat de violence politique et de défiance vis-à-vis de l’appareil militaire et policier.


EL COMUNERO / SON DE LA BARRICADA




On retrouve dans ce répertoire des classiques, réinventés par le souffle rock et libertaire du groupe. Tomas Jimenez et ses musiciens donnent ainsi de l’hymne popularisé par le groupe chilien Quilapayun, "El pueblo unido", une interprétation empreinte de rage et de mélancolie. L’écho d’un monde déchiré par les divisions, qui n’en finit plus de se désagréger ? Sûrement, mais c’est bien la résistance et la solidarité qui se chantent et se clament ici, avec la reprise d’un poème que Pablo Neruda dédiait à Joaquin Murieta, héros de légende qui protégeait les mineurs latino-américains des attaques des Gringos, en Californie. Résistance, toujours, avec Obreros y patrones, du chanteur protestataire mexicain José de Molina, enlevé, séquestré et torturé par la police mexicaine en 1997, en marge de la visite de Bill Clinton, et décédé des suites de ces sévices. Geste de mémoire et de transmission ? Pas seulement. Ces chansons, qui ont bercé et encouragé les luttes d’hier, nous parlent bien de notre monde. Il suffit pour s’en convaincre d’entendre la reprise de Malditas électiones, de Chicho Sanchez Feriosio, chansonnier anarchiste à qui l’ont doit de nombreuses ritournelles antifranquistes restées dans la mémoire populaire. Dans la houle grave d’un trombone, brisée par les éclats métallique d’une guitare, les urnes sont vouées à la malédiction, si elles ne servent qu’à « domestiquer les voix rebelles ». Au creux même de la vague, quand les fondations du vieux monde semblent immuables, une imperceptible dissonance, le chuchotement d’une voix libre peuvent annoncer un souffle de liberté. Cette respiration, on la perçoit dans tout l’album et surtout dans les airs de flamenco de Lole y Manuel, un duo des années 70 dont le message de tolérance évoque l’atmosphère du franquisme agonisant. D’une rive à l’autre de l’océan Atlantique, ce répertoire de mélodies populaires, refaçonnées par des rythmes et des sonorités inspirées du rock, du jazz, des musiques d’Amérique latine et de la Caraïbe, dessine une mémoire, un engagement, une fidélité aux combats d’hier et d’aujourd’hui. C’est la marque de fabrique d’El Comunero.

El Comunero, « Son de la barricada », disponible le 31 mars 2017. En concert le 21 mars à 20H à l’Eglise Saint-Bernard, à Paris, avec Fanfaraï et Motivé-e-s. Réservations : FGO Barbara Tél :01.53.09.30.70


Rosa Moussaou, L'humanité du 3 mars 2017

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