Robert Plant |
"No hay billetes", comme on dit au Palio. Ce lundi, la soirée d'ouverture des Nuits d'Istres au Pavillon de Grignan se joue à guichets fermés. Et pour cause, une légende est à l'affiche. Mais à 20h30, quatre types gominés débarquent sur scène en pantalon à pinces et commencent à jouer. En régie, les techniciens se regardent un peu surpris avant d'ouvrir les micros et de pousser les potars. Puisqu'ils sont là... La première partie n'était pas vraiment prévue, mais le groupe de rockabilly - de très bonne tenue - est arrivé dans les valises de Robert Plant.
La place chaude, l'ex-leader du groupe Led Zeppelin débarque enfin sur scène sur le coup de 22h, accompagné de six musiciens, les Sensational Space Shifters, dont un, retranché derrière sa folk, semble avoir loupé la tournée de ZZ Top. Robert Plant n'aligne que trois dates en France, et la veille, il a convaincu au festival Beauregard, en Normandie. Mais il s'est montré un peu avare en succès de Led Zep'. La longue intro entamée par Liam "Skin" Tyson, le guitariste dont la barbe remonte au moins aux premiers cours de gratte, laisse entrevoir une autre issue.
Plant entame The rain song, une ballade tirée de Houses of the Holy, le 5e album de Led Zeppelin. D'entrée, on commence à espérer Stairways to heaven pour le rappel. Les plus optimistes se prennent à rêver d'une apparition de Jimmy Page, de retour de Californie où, la semaine précédente, les deux figures du Zep se défendaient, avec succès, de tout plagiat devant la justice américaine, au sujet de Stairways, justement.
"Une vieille chanson, une nouvelle", prévient Robert Plant, d'abord en anglais, avant d'enchaîner avec un titre de l'un de ses derniers albums solo. Mais le séjour normand a été profitable, et le chanteur glisse régulièrement quelques mots de français, entre deux titres et une vanne, lorsque ce n'est pas pour présenter l'un de ses musiciens. Mais voilà qu'il puise à nouveau dans le répertoire Zeppelinien, et attaque un poignant Babe I'm Gonna Leave You tandis que le public, qui avait pu passer à côté de la première allusion, explose de joie devant l'un des titres emblématiques du groupe.
La suivante, Spoonfall, est un standard du blues de Willie Dixon, régulièrement repris, à sa sauce, par Plant depuis une dizaine d'années. Une version plus "world", appuyée par Juldeh Camara, pointure gambienne, au ritti, le violon monocorde traditionnel. La plupart des musiciens se saisissent alors d'un tambour, qui refera son apparition au cours de la soirée sur des titres récents (Rainbow) ou d'autres grands classiques, comme Black Dog (Led Zeppelin IV). Plant est toujours juste, et même si sa voix n'est plus la même (il aura 68 ans en août), il a adapté son registre. Le terrible Fixin' To Die Blues est ainsi ponctué d'un solo à réveiller un mort, du second guitariste, Justin Adams - qui cultive de lointains airs de Johnny Cash. Avant de verser à nouveau dans la world enlevée, sous l'impulsion, encore, de Juldeh Camara.
Tandis que les amateurs de rock s'étripent depuis 40 ans sur le classement de Stairways to heaven, Robert Plant semble, lui, passé à autre chose : la world progressive. Mais après un peu plus d'une heure de concert, il revient aux fondamentaux. Willie Dixon toujours. Un blue a vous défaire trois cervicales sur une seule note, plantée par Justin Adams. Et tandis que l'assistance est au bord de la rupture d'anévrisme, le terrible I Just Want to Make Love to You s'avère n'être qu'une intro à un autre monument, classique parmi les classiques de Led Zeppelin, Whole Lotta Love. Rideau. Le rappel est inévitable.
Une bière à la main, Plant entame "Satan, your kingdom must come down" et enchaîne aussi sec par le redoutable "Dazed and Confused", ultime emprunt au répertoire de Led Zeppelin. Une vieille chanson, une nouvelle. "Au revoir mes potes", lance-t-il enfin en évacuant, cette fois, tout espoir de rappel. Les Nuits d'Istres continuent, ce soir, et toujours à guichets fermés avec la terrible Selah Sue, à 21h30 au Pavillon de Grignan.
Florent BONNEFOI; la Provence du 6 juillet 2016
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