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mardi 5 juillet 2016

Au Hellfest, une descente en tyrolienne d’enfer (Le Monde)


Les 10 ans du Hellfest, l’an dernier, s’étaient déroulés sous un soleil exceptionnel, ce qui n’est, hélas, pas le cas de l’édition 2016, où les éclaircies se font rares à Clisson (Loire-Atlantique). Et les têtes d’affiche, samedi 18 juin au soir, n’ont pas eu notre préférence, à l’instar du metal symphonique particulièrement irritant des Néérlandais de Within Temptation ou du hard rock à papa maquillé des Twisted Sister. Qu’importe, les propositions sur les quatre scènes parallèles ne manquent pas pour les amateurs de sensation fortes. D’ailleurs, une descente en tyrolienne reliée à l’extrémité des deux immenses scènes principales propose aux âmes courageuses de prendre de la hauteur en plein concert. Frisson garanti. Certaines têtes brûlées s’y risquent à faire un selfie. Vendredi, l’attraction initialement prévue lors du concert des kaisers Rammstein avait finalement été annulée, leur spectacle ne lésinant par sur les explosions.



Mur de la mort

Le goût du danger peut aussi être palpable avec Sick of it All, les patrons du punk hardcore new-yorkais, qui fêtent leur trente ans de carrière en grande pompe. Le quatuor des déterminés frères Koller (Lou au chant, et Pete à la guitare) n’a pas son pareil pour déclencher une déflagration punk metal d’une heure, sans le moindre répit. On frise la guérilla dans la fosse sur le percutant hymne Uprising Nation, brûlot dédicacé aux deux candidats à la présidentielle américaine. Et le groupe de sonner la charge avec un gigantesque « wall of death » (« mur de la mort »), où la foule scindée en deux se fonce dessus.

Le guitar hero est une espèce en voie de disparition. L’occasion de voir un des derniers as du solo pyrotechnique, en la présence de l’Américain d’origine italienne Joe Satriani, éveille notre curiosité. D’autant que sa présence au Hellfest est une première. Lunettes de soleil et crâne rasé impeccable, le virtuose, sponsorisé par la marque Ibanez, change de guitare presque à chaque morceau. Son disque phare, Surfing With Alien (1987), album de hard rock instrumental au succès colossal, a engendré un déconcertant effet collatéral : la mode du « shred » (« déchiquetage » en français), où des dizaines de milliers de solistes amateurs exhibent leur technique hermétique sur la plate-forme vidéo YouTube. Bien qu’à l’origine de ce sommet de mauvais goût, « Satch » ne tombe pas dans ces travers, qui insuffle de l’âme dans ses gammes pentatoniques exécutées à la vitesse supersonique. Et sait même faire preuve d’un peu de retenue sur le léger blues Flying in a Blue Dream.


Stoner rock et crêtes iroquoise

Les ondes ultrabasses des Américains de Goatsnake font trembler le chapiteau de The Valley, scène dédiée aux genres doom et stoner rock. Le quatuor est emmené par le guitariste à la barbe épaisse Greg Anderson, déjà à l’œuvre sur la même scène vendredi au sein de son autre formation emblématique, les plus radicaux et sépulcraux Sunn O))). Si le propos de Goatsnake se veut rock, le son garde une pesanteur absolue, contrebalancée par un chanteur aux puissantes incantations évoquant Jim Morrisson. Son quatrième opus, Black Age Blues (2015), se paie le luxe d’inviter un chœur gospel pour une captivante messe noire sur fond de riffs pachydermiques. Dommage que les prédicateurs ne soient pas de la partie ce soir.

Un nombre inhabituel de crêtes iroquoises dépassent de la foule face à la scène de la Warzone. Et pour cause, Bad Religion, combo californien inoxydable et figure historique de la cause punk, demeure un rendez-vous incontournable. En dépit de leurs tempes grisonnantes et du choc de constater que le chanteur Greg Graffin a désormais l’allure d’un professeur dégarni à lunettes (ce qu’il est d’ailleurs, universitaire spécialiste de la théorie de l’évolution), les cinq vétérans jouent très vite et fort, déroulant une quantité impressionnante de classiques (21st Century Digital Boy, “Sinister Rouge”, “Infected”). Les gobelets de bière volent au-dessus du public, tandis qu’au premier rang défilent sans interruption les slammeurs heureux.

Au hasard de nos pérégrinations culinaires nocturnes (la très épaisse et populaire « tartine de l’enfer » au jambon fromage), on tombe sur le set endiablé d’Hermano, très efficace quintet stoner, qui a traversé l’Atlantique exclusivement pour le Hellfest. Passé l’heure du crime, un feu d’artifices spectaculaire illumine les scènes principales en hommage à feu Lemmy Kilmister de Motorhead. Il est temps de se préparer au grand final dimanche avec son éminence noire, Black Sabbath.

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