Avec une nouvelle mouture de son groupe, l’Américain présente demain à Paris son 17e album.
La pochette de son dernier disque, In My Soul, ressemble fort à celles que les labels Prestige ou Chess proposaient au début des années 60. Un signe ? Il ne fait aucun doute que Robert Cray a voulu rendre un énième hommage aux maîtres du blues, de la soul et du rhythm’n’blues. Une guitare toujours sobre et bien léchée s’invite sur des mélodies rendant une atmosphère musicale vieille d’une cinquantaine d’années, mais terriblement efficace. Ce 17e album du bluesman de Géorgie remet sur le haut du panier aussi bien le groove de George Benson, que la soul d’Otis Redding.
Robert Cray, 61 ans, mais à qui on ne donne pas d’âge, signe ainsi quelques reprises de choix, telles que Nobody’s Fault But My Own, d’Otis Redding, ou Deep in My Soul, de Bobby Blue Bland, tout en faisant allusion à l’orgue déchirant de Booker T. Jones, âme des MGs qui, avec Steve «The Colonel» Cropper, représentait chez Stax le background group de Sam and Dave, d’Otis Redding mais aussi de Wilson Pickett et de Carla Thomas.
Revenant. Cette fois, sur le label hollandais Provogue, qui produit Cray depuis quelques années, ce n’est pas le producteur Kevin Shirley (Joe Bonamassa, Beth Hart…) qui s’y est collé, mais Steve Jordan, lui aussi élevé au son des studios de Memphis. C’est d’ailleurs la deuxième fois que l’ancien batteur des Blues Brothers (où figurait également Steve Cropper) se penche sur Robert Cray. La dernière fois, c’était en 1999, avec l’album Take Your Shoes Off. Cray utilise le savoir-faire du personnage : «Steve Jordan est le genre de gars qui sait réunir tout le monde dans un studio», affirme-t-il, un peu à la manière du groupe incarné par John Belushi et Dan Aykroyd.
Pour les 40 ans de carrière de son band, Robert Cray a chamboulé sa formation de base. Autour de Richard Cousins, le bassiste historique et cofondateur du groupe, en 1974, il a fait appel à un revenant, Dover Weinberg, son ancien clavier dans les années 70 et 80, mais aussi à un nouveau batteur, Les Falconer.
Robert Cray - ou plutôt le Robert Cray Band, comme il aime à le préciser - a toujours su naviguer sur la fine ligne qui sépare le blues et la soul. Il le prouve encore dans cet exercice d’équilibriste qui donne à l’album ce côté moelleux et tendre que sa voix rassurante caractérise. Les cuivres habillent la plupart des compositions comme une caresse. Un assemblage homogène qui procure à l’ensemble ce côté laid back, comme relaxé sur un rocking-chair sous une véranda à l’heure de l’apéro.
Nostalgie. Un peu plus d’un an après Nothing But Love, le guitariste, intronisé dans le Blues Hall of Fame il y a quelques mois, trouve une vitesse de croisière qui laisse le temps d’admirer le paysage. «Pour jouer du blues, il faut savoir voyager dans le temps, confiait-il à Libération en novembre 2012. Tous ceux qui s’y intéressent doivent effectuer ce retour vers le passé pour en ressentir les origines.» L’objectif est atteint avec cette pointe de nostalgie qui rend hommage aux anciens, à ceux qui ont su rendre cette musique authentique. «Le blues est synonyme de tristesse. Traduire cette émotion est ce qu’il y a de plus difficile. Quand un morceau y parvient, on en pleure.»
Dino DI MEO Libération le 20 mai 2014
Robert Cray Band CD : In My Soul (Provogue/Mascot Label Group). En concert demain à 20 heures à la Cigale, 120, bd de Rochechouart, 75018. Rens. : www.lacigale.fr
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