Bernard Lavilliers en concert à l'Olympia. |
L’artiste a débuté vendredi une tournée avec son nouvel album, «Cinq Minutes au Paradis». Un disque dense, intense, puissant, brut, comme ce nouveau spectacle, où le Lavilliers baroudeur est surtout rockeur.
Emmanuel Marolle, Le Parisien, le 27 novembre 2017
Pierre Richard vient le féliciter, Michel Jonasz et Nathalie Dessay aussi. Entre deux bises, à sa sortie de scène vendredi soir pour son premier concert à l’Olympia, Bernard Lavilliers a accepté de répondre à quelques questions.
Comment était ce concert pour vous ?
Bernard Lavilliers. C’était bien. Relax. Je suis un peu chez moi ici. J’ai joué la première fois à l’Olympia en 1977. J’ai chanté une semaine en 1978. Un peu plus tard, la Société Générale (NDLR : alors propriétaire des murs) avait décidé de faire des bureaux dans tout le quartier. J’ai appelé Jack Lang et même Chirac pour qu’on le classe. C’est pour ça qu’il est encore là. Ici, c’est humain.
La mise en scène du spectacle est très sobre à l’heure où beaucoup d’artistes utilisent des vidéos des projections...
Pas besoin de ça. Les vidéos, c’est pour les DJ qui n’ont rien à dire. Moi, heureusement, j’ai des choses à dire. Il n’y a que la lumière, la musique et les mots qui font le décor. Tout est dans les chansons.
C’est aussi un concert plus brut que d’habitude. Comme votre nouvel album finalement, non ?
Oui. J’avais envie de changer des tropiques, de revenir au rock, mais au rock sophistiqué. Après les trois années que l’on a vécues depuis les assassinats de Charlie Hebdo, je ne pouvais pas chanter une belle gonzesse sur une plage. La femme d’un de mes amis était dans un des bars touchés le 13 novembre. Et les mecs l’ont tuée. Donc, j’ai écrit «Vendredi 13» pour mon pote qui est resté seul avec ses deux mômes. Ca a été le point de départ de l'album.
Vous avez envie de rejouer au Bataclan ?
J’y retournerai. Il n’est pas maudit, cet endroit. Ca aurait pu se passer ailleurs. Il faut juste qu’ils ferment le bar pendant que je joue. Parce depuis la scène, je ne vois que ça au fond de la salle.
Vous avez dédié « les Mains d’or » à votre père, mort il y a peu de temps. On vous sentait ému.
Oui. Il est parti il y a deux ans et demi à l’âge de 95 ans. Totalement lucide. Il était encore venu me voir en concert deux ans auparavant. Il me disait : Les gens t’aiment bien, ils te respectent. Et avec toi c’est bien, tu ne m’emmerdes pas avec ma santé comme tout le reste de la famille. Je n’ai pas encore fait mon deuil.
Il y a une vraie connexion entre « Les mains d’or », sur la classe ouvrière, et « Bon pour la casse », nouvelle chanson sur un dirigeant viré en quelques minutes.
Oui. C’est ce qui est arrivé à un de mes potes. Numéro deux de la boîte, viré de la tour en 30 minutes, parce que ça a changé de direction. C’est même pire que « Les mains d’or » car lui, il n’est pas syndiqué. Il est tout seul. Alors que tu ne peux pas virer 3 000 ouvriers comme ça.
Avant de chanter « Les aventures extraordinaires d’un billet de banque », vous avez fait référence à votre oncle qui disait : «Ne dis jamais du mal des riches, on ne sait jamais ce qui peut t’arriver». Vous faites partie des riches ?
Non. Les riches, c’est les Bettencourt, des gens comme ça. Moi, je gagne ma vie en travaillant, comme toi, comme nous tous. On n’a pas de pactole. Mon oncle était un bandit, et me faisait bien marrer. Il me disait aussi : Soit tu travailles, soit tu gagnes de l’argent.
Que vous inspire le nouveau président de la République ?
Il est dans la merde. Avec lui, il y a plein de gens de la société civile qui ne connaissent pas bien la politique et qui se demandent à quoi ils servent parce qu’il dirige beaucoup depuis l’Elysée. Au bout d’un moment, il n’aura plus de majorité, parce qu’ils vont tous retourner gagner plus d’oseille dans le privé.
Vous ne votez toujours pas ?
Jamais. Je chante. Comme disait Léo Ferré : "Ils ont voté, et puis après ?"
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