Agnes Obel |
La chanteuse danoise vient de livrer un superbe album, Citizen of Glass, qu'elle vient présenter au public parisien. Depuis le début de sa carrière, il y a six ans, la jeune femme a su tisser un lien privilégié avec ses fans sans trop se dévoiler.
Citizen of Glass, nouvel album d'Agnes Obel, Danoise exilée à Berlin, prend sa source dans la lecture assidue de la presse. «Pendant ma tournée de 2014, j'ai lu énormément d'articles au sujet d'Edward Snowden, de la NSA et de la surveillance des individus. Les journaux allemands sont très opposés à celle-ci, en partie à cause du passé de la RDA», explique la trentenaire avec la délicatesse qui la caractérise.
Rapidement, Agnes Obel puise la matière d'un album conceptuel, dont le titre, Citizen of Glass, recouvre la transparence que les États attendent de leurs ressortissants. «J'ai ressenti fortement ce phénomène, jusqu'à m'y identifier moi-même», dit-elle. Un artiste n'est-il pas lui-même obligé de dévoiler des pans de son intimité à travers son travail? «La personne que j'expose, est-ce vraiment moi-même?», s'interroge la chanteuse, dont le succès ne se dément pas depuis son premier disque, en 2010. «Nous vivons à une époque qui réclame de plus en plus de transparence tout en tendant vers l'ultrasimplification», explique-t-elle.
Son cristallin
Agnes Obel demeure attachée à des textes volontiers brumeux, qui ne révèlent pas facilement leur signification profonde. «Certaines de mes chansons les plus populaires ont été inspirées par des événements très intimes, par exemple la maladie dont souffrait mon père. Mon histoire et les personnes que j'aime constituent mon matériau principal», confie la chanteuse, presque gênée. On ne saurait pourtant la taxer d'impudeur tant elle évite de mentionner des situations ou des noms précis dans son écriture. «Les choses sur lesquelles j'écris sont très claires pour moi, mais il me plaît de penser que le public perçoive des éléments que je ne soupçonne pas.»
Afin d'illustrer musicalement le propos, Agnes Obel a revu son orchestration. Le romantisme du piano s'efface au profit de différents sons de claviers: célesta, piano préparé, clavecin, épinette et trautonium, un instrument rare au son cristallin conçu dans les années 1920. On peut l'entendre sur la bande-son des Oiseaux, d'Alfred Hitchcock. «C'est un instrument très amusant, ancien et moderne, joli et disgracieux à la fois. J'ai commandé une reproduction à un fabricant du sud de l'Allemagne qui passe un an et demi sur chaque instrument.» Intransportable et très difficile à jouer - du fait de son clavier monophonique -, le trautonium répond à la thématique de Citizen of Glass. «J'avais une grande ambition pour ce disque. De la production aux arrangements en passant par le son de la voix ou des cordes, j'ai supervisé chaque détail, ce qui n'était pas le cas sur mes disques précédents. Cela a été un processus long et personnel.»
Avec un album tous les trois ans, suivi chaque fois d'un an et demi de tournée, Agnes Obel a trouvé sa cadence. «Le pire, c'est que je ne fais rien d'autre de ma vie. Cela me prend tout mon temps.»
Olivier Nuc, Le Figaro du 16.11.2016
NDW: Lire aussi "Agnès Obel: J'avais un besoin intense de faire de la musique"
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