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samedi 30 juillet 2016

Au Hellfest, le sacre final de Black Sabbath (Le Monde)


La troisième et dernière journée du Hellfest, dimanche 19 juin, s’annonçait d’emblée mémorable. Trois des plus populaires groupes de métal s’y produisaient : Slayer, Megadeth et Black Sabbath, venu faire ses adieux. Du très lourd donc au programme.

Si samedi soir nous avions déserté les deux grandes scènes, faute d’affiche attrayante, dimanche on s’y bousculait cette fois sous un ciel radieux dès le milieu d’après-midi, contraint de faire du sit-in sur la pelouse tant l’affluence du public, dès le concert de Gojira, compliquait les déplacements.


Démonstration de force de Gojira

Gojira, le plus important groupe de métal français a été accueilli par le public comme des seigneurs sur les terres de Clisson, en Loire-Atlantique. S’ils ont donné la primeur de leur nouvel album, Magma, au concurrent Download festival (qui se déroulait la semaine précédente au bois de Boulogne, à Paris), le groupe des frères Joseph et Mario Duplantier nous avait confié leur attachement au Hellfest où ils jouaient pour la quatrième fois.

Leur démonstration de force n’a pas d’équivalent dans l’hexagone, ni même lors de cette édition du Hellfest, où la compétition est pourtant rude. Une performance scénique formidable de précision et de fureur, où l’on mesure combien la puissance du quatuor repose sur les baguettes du batteur Mario Duplantier, à la maîtrise technique chirurgicale. Le benjamin de la fratrie, derrière les fûts de Gojira depuis l’âge de 15 ans, célébrait d’ailleurs chaleureusement, ce dimanche, son 35e anniversaire avec le public.

Le cataclysme Slayer

Après le speed metal mâtiné d’Heroic Fantasy des germaniques Blind Guardian, le cataclysme Slayer était censé tout balayer sur son passage. Mais le concert des monuments de la Bay Area a été en demi-teinte. Etrangement programmé avant Megadeth (éternel troisième couteau de la bande du Big Four, avec Metallica, et Anthrax, qui jouait le vendredi), le groupe du guitariste enchaîné Kerry King a pourtant sorti l’année dernière le très hargneux Repentless, son meilleur album de longue date, et l’une de ses meilleures ventes.

Le son n’a, hélas, pas été à la hauteur, faute d’une batterie trop en avant qui, douce ironie, ne permettait pas de mesurer toutes les subtilités du monstrueux batteur Paul Bostaph. Mais même moins intense, un concert de Slayer demeure une expérience incontournable pour tout métalleux, ne serait-ce que pour entendre les morceaux d’anthologie thrash que sont Raining Blood et Seasons in The Abyss, qui ont bâti les fondations du genre.

Entre deux déflagrations, le hurleur et bassiste Tom Araya (55 ans) a brisé l’armure d’acier en s’amusant à porter un béret.

Glamour et décadence avec Jane’s addiction

The Valley bénéficiait incontestablement dimanche soir de la plus ambitieuse installation scénique du festival, avec le show du groupe de rock alternatif américain Jane’s Addiction, culte et rare dans nos contrées. Des danseuses se contorsionnaient sur une grande estrade, d’autres étaient suspendues par un câble deux mètres au-dessus des têtes de leurs meneurs extravagants, le sexy guitariste Dave Navarro et le non moins charismatique chanteur Perry Farrell.

Le spectacle rock n’roll a été total : une plongée captivante sous le soleil californien, ses paillettes, son glamour et sa décadence. Le prodige de la six-cordes, Dave Navarro (ex-Red Hot chili Peppers), a déclenché des envolées hard/psychédéliques où Farrell trouvait une base pour ses incantations vocales singulières.

A l’exception d’une reprise du Rebel Rebel de David Bowie, les chansons de Nothing’s Shoking et Ritual de lo Habitual, les deux classiques du groupe parus à la fin des années 1980, ont essentiellement dominé le répertoire de la soirée. Parmi eux, le tube potache Been Caught Stealing, qui connut son heure de gloire du temps de MTV.

La révérence de Black Sabbath

Sous une pleine lune propice, voilée de nuages gris, Black Sabbath remettait, dimanche soir, le couvert pour une ultime messe noire sur le sol francais. Le légendaire groupe de Birmingham avait déjà fait le coup des adieux voilà deux ans sur la même scène de la MainStage. Mais cette fois semble bel et bien la dernière, après quarante-huit ans de carrière : le guitariste Tony Iommi estime que son état de santé (il est atteint d’un lymphome) ne lui permettra pas d’assurer les concerts dans un futur proche.

L’entrée du groupe, à 23 heures, a été précédée d’un imposant feu d’artifice, puis d’une vidéo diffusée sur écran géant où un démon semait l’apocalypse autour de lui. Sous un tonnerre d’applaudissements, le riff ténébreux de Black Sabbath (1970), ciselé par le sorcier du manche Tony Iommi et son fidèle ailier, le bassiste monolythe Geezer Butler, a plongé la scène principale dans la pénombre.

Les cendres du Sabbath ne sont pas encore tout à fait éteintes, quelques étincelles jaillissent encore sur le dantesque War Pigs, morceau épique qui a gravé à lui seul les tablettes de la loi du stoner rock. Des quatre membres originels du groupe, seul manque le batteur Bill Ward, brouillé pour de sombres histoires contractuelles et remplacé par un vigoureux marteleur au look baba cool tatoué.

Caché discrètement derrière les amplis, Adam Wakeman aux claviers, n’est autre que le fils de Rick, du groupe Yes. Quant à Ozzy Osbourne, chanteur au regard de dément, le maître de cérémonie s’est montré nettement plus habité qu’il y a deux ans, notamment sur les incunables Iron Man, N.I.B. et Dirty Women. Après le traditionnel final sur Paranoid, Black Sabbath a tiré, une fois pour toute, sa révérence, avec une élégance funeste.

Franck Colombani Le Monde du 20.06.16

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