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dimanche 21 février 2016

Hugh Coltman, petit prince de la note bleue (L'Humanité)



Attendu à l’Astrada de Marciac, puis au D’Jazz Nevers Festival, le chanteur anglais livrera un émouvant hommage à sa mère disparue et à Nat King Cole.


Fara C. L'Humanité, le 6 novembre 2015
  
Remarqué, dans le cadre de son nouveau répertoire, à Banlieues bleues et Jazz à la Villette 2015, Hugh Coltman est fort attendu ce week-end à l’Astrada de Marciac, puis au D’Jazz Nevers Festival. Il a créé la surprise avec son disque Shadows, Songs of Nat King Cole, dédié au légendaire jazzsinger. Lui qui s’était fait connaître plutôt dans la sphère blues-rock a su rallier à lui la critique jazz, qui se montre souvent pointilleuse envers les artistes non issus du sérail et qui osent franchir la barrière. Le chanteur anglais a eu l’intelligence de ne pas imiter le « roi ». Il instille au répertoire popularisé par la star américaine son propre nectar.

Pour cet opus, il a fait appel à Éric Legnini, humble maître de la production et des claviers, et à d’autres jazzmen essentiels, à l’instar du saxophoniste Pierrick Pédron et du guitariste Misja Fitzgerald Michel. Aux antipodes du crooner qu’était volontiers Nat King Cole, le fondateur du groupe The Hoax met en lumière, dans ses chansons, une douceur dénuée de mièvrerie. Avec une aisance stupéfiante. Il tourne le dos à mademoiselle la séduction, pour effeuiller, à fleur d’inflexion, les arcanes d’un swing inouï, tout en suggestion.


Un chant attentif aux ombres de l’existence


Le titre de l’album, Shadows, correspond parfaitement à ce chant profondément habité qui, ici, choisit de se faire plus attentif aux ombres de l’existence qu’au scintillement des ors. « Alors que pas mal de gens voient surtout en Nat King Cole le chanteur de charme, je me suis penché sur sa vie, souvent difficile, à cette période où sévissait le ségrégationnisme aux États-Unis, nous explique Hugh. Quand il a acheté sa maison, en 1946, dans le quartier huppé de Beverly Hills, vers Los Angeles, le Ku Klux Klan a déposé, sur la pelouse de sa résidence, une croix en flamme, pour lui signifier qu’en tant que Noir il n’avait pas sa place dans le secteur. Aux voisins qui lui écrivent qu’ils ne veulent pas d’éléments “indésirables” dans la résidence, Nat répond : “moi non plus” ! Il faut une sacrée force de caractère pour faire face au racisme, avec un pareil sens de la repartie, en plus. En 1956, il a même failli se faire kidnapper. Il refusait de jouer dans les États ségrégationnistes. »

«Ma mère me répétait : “Mon fils, tu peux.” »


Né d’un père musicien classique amateur, vendeur aux revenus modestes dans un magasin d’électroménager, Hugh a perdu, à l’âge de sept ans, sa mère, férue de jazz. Il essaiera de se remettre de la tragique disparition en s’adonnant à la musique. « C’est par les nombreux disques de ma mère que j’ai tôt découvert, entre autres, Nat King Cole. Au fur et à mesure que je travaillais sur mon album Shadows, je me suis rendu compte que l’hommage que je dressais à Nat King Cole s’adressait en fait à ma mère, sans que j’en sois conscient. Plus de trente-cinq ans après son décès, je ressentais le besoin de la remercier. Dès ma tendre enfance, elle m’a ouvert à tous les arts. Elle me répétait : “Mon fils, tu peux.” C’est hors de prix. » Quand on écoute le fameux standard Nature Boy, on a l’impression que Hugh Coltman, petit prince inopiné de la note bleue, est « l’étrange petit garçon » qui, dans cette ballade, dit : « La plus grande chose que tu puisses apprendre, c’est juste d’aimer et d’être aimé en retour. » Et l’on est saisi par cette sublime ode à la lenteur et à l’amour.

Fara C. L'Humanité Vendredi, 6 Novembre, 2015

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