Tandis que la poétesse rock fête les 40 ans de «Horses» à l’Olympia, deux artistes illustrent l’album mythique au siège du Parti communiste.
Si, à une époque pas si lointaine, la notion même de longévité s’accordait a priori relativement mal avec la supposée rock attitude, c’est désormais la décennie qui mène la danse dès l’instant qu’on cherche une unité de mesure. Sur les affiches du métro, Motörhead, Marianne Faithfull ou Scorpions claironnent leur survivance à toutes les seringues et bitures imaginables et, en corollaire, on scande à intervalles réguliers la panthéonisation live de tel ou tel disque ayant jadis acquis ses lettres de noblesse. Pixies (Doolittle), Primal Scream (Screamadelica) ou, de façon plus retorse, feu Lou Reed (avec l’impossible Music Metal Machine) ont, entre autres, plongé ces dernières années dans la fontaine de jouvence en tournant autour d’un album ressuscité.
Ecuyers. Place maintenant à Patti Smith - dont, à force de squattage hexagonal (pas une année sans qu’elle vienne recevoir une breloque, déclamer des poèmes dans une chapelle, s’épancher sur tel ou tel disparu, duettiser avec John Cale ou accrocher des dessins), on se demande bien pourquoi elle n’a pas déjà acheté une datcha dans les Ardennes ou le Perche. Cette fois, l’égérie encore caracolante du New York embrasé des années 70 célèbre le 40e anniversaire de Horses (comme elle le fit déjà en 2005 à Londres, à l’occasion des 30 ans, en sus de rééditions remastérisées et ajouts plus ou moins fétichistes). Un faire-part de naissance essentiel, puisque germe punk/rock bravant déjà la mort (la moitié des titres, Land, Elegie, Redondo Beach et Birdland y font explicitement référence) avec une vigueur que le temps n’a pas altéré.
Sur scène, le guitariste Lenny Kaye et le batteur Jay Dee Daugherty, survivants des sessions originelles, jouent encore les écuyers de main, au côté de l’incantatrice médiumnique (Fred «Sonic» Smith, Robert Mapplethorpe, Joe Strummer entre autres fantômes convoqués à chaque sortie), qui complète la reviviscence des habituels extras My Generation (l’hymne des Who, inclus en bonus live un an après la sortie de Horses), Dancing Barefoot, Because the Night ou - tous en chœur - People Have the Power.
A ce propos, allègrement séditieux, l’on se doit ici de mentionner un singulier hommage rendu à la «hottest rock poet du New Jersey» (selon Rolling Stone) dans le ventre parisien du siège du Parti communiste, où deux artistes ont cassé leur tirelire - à hauteur de plusieurs dizaines de milliers d’euros, tout de même - pour imaginer une déclinaison plasticienne de Horses.
Passion. Elle est photographe, membre de l’agence Rapho, exposée naguère aux Rencontres d’Arles ou au Salon de la Photo ; lui, peintre moderniste, à la lisière de la figuration narrative, fasciné par l’œuvre de l’architecte Oscar Niemeyer et la musique de Joni Mitchell. Rapprochés par leur passion pour Patti Smith, Véronique Durruty et Jacques Benoit se sont ainsi partagé l’album Horses (quatre titres chacun), réinterprété ici en «Horsesvisions». Un projet de «fans transis» qui, entre corps flous enlacés dans l’obscurité, pèlerinage à Harare sur les traces de Rimbaud et fulgurances cosmiques, surprend au moins par sa dimension «obsessionnelle». «Nous mettrons sans doute des années à tout rembourser, sourit Véronique Durruty. Tant pis, si c’est le prix à payer pour le choc éprouvé à la découverte de Horses.»
- Patti SmithHorses Olympia, du 20 au 22 octobre (complet).
- Horsesvisions Espace Niemeyer, pl. du Colonel-Fabien, 75019. Jusqu’au 6 décembre.
Par Gilles Renault -- Libération — 19 octobre 2015
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