Neil Young sur scène à Los Angeles, Californie, le 6 février 2015. MARIO ANZUONI/REUTERS |
En mai 2006, Living With War, le vingt-huitième album studio de Neil Young, avait pour thème principal la dénonciation de la politique étrangère agressive de l’administration du président américain George Walker Bush, à la suite de l’invasion de l’Irak en mars 2003. Un disque au propos féroce, traité dans une urgence musicale, avec des textes directs. L’album se révélait le plus ouvertement politisé dans son intégralité, parmi les enregistrements du chanteur, guitariste, harmoniciste, claviériste, auteur-compositeur et producteur canadien. Il s’était déjà prononcé contre un autre Bush, George Herbert Walker, le père, et président des Etats-Unis de 1989 à 1993 lors de la première guerre du Golfe, en particulier durant une tournée avec le groupe Crazy Horse, en 1991, toute en déflagrations sonores et rages musicales.
Neuf ans après Living With War, Neil Young identifie tout autant une autre cible, la compagnie Monsanto, entreprise américaine spécialisée dans les biotechnologies agricoles et notamment fabricant de l’herbicide Roundup. Un nom qui figure dans le titre de l’album, The Monsanto Years et dans plusieurs des chansons (A Rock Star Bucks A Coffee Shop, Workin’Man, Monsanto Years). Et au-delà un propos général sur les méfaits des grandes entreprises en matière d’environnement (le recours aux organismes génétiquement modifiés), de surexploitation des ressources de la planète (la compagnie pétrolière américaine Chevron est citée), l’avenir de nos enfants dans un monde pollué…
Sauver la planète
De longue date, quasi depuis ses débuts phonographiques à la fin des années 1960, Neil Young a évoqué les bienfaits de mère Nature, a chanté des paysages, le vent, les prairies. En septembre 1985, il coorganise avec Willie Nelson et John Mellencamp le premier Farm Aid, initialement destiné à venir en aide aux fermiers pris à la gorge par des crédits. Avec l’album concept Greendale (2003), Young mêlait à une histoire de meurtre dans une petite ville un appel vibrant à sauver la planète (la chanson hymne Be the Rain, en final). Avec Fork in the Road, en 2009, il évoquait les énergies alternatives, lui qui, par ailleurs, avait travaillé sur un prototype de voiture hybride.
On pouvait attendre que pour ce disque engagé, son propos artistique soit porté par un souffle et un élan musical. Or, ce que laisse entendre The Monsanto Years, c’est plutôt un Neil Young moyen. D’abord, avec des textes qui relèvent plus de la formule basique, positif/négatif, que d’une réflexion élaborée. « C’est un nouveau jour pour la planète/C’est un nouveau jour pour le soleil » (A New Day for Love) ; « Moins de poissons nagent dans notre océan/Les glaces âgées dérivent dans nos mers/Fermement tu te dresses contre ce pillage » (Wolf Moon) ; « Dans les rues du Capitole/Les grandes sociétés prennent le contrôle » (Big Box) ; « Les semences sont la vie/Et nul ne peut les posséder » (Rules of Change) Qui voudrait soutenir le contraire ?
Musicalement, Young propose un country-rock plus ou moins enlevé, électrique, avec une ballade acoustique. Il a réuni au Teatro, à Oxnard (Californie), les cinq musiciens de Promise of the Real, mené par les guitaristes et chanteurs Lukas et Micah Nelson, fils de Willie Nelson. Une jeune formation bien ordonnée (le DVD qui accompagne le CD montre le groupe enregistrant avec Young) qui interprète ce qui sonne davantage comme une répétition, avec des interventions un peu hasardeuses, des flottements, que comme des compositions bien structurées.
The Monsanto Years, de Neil Young & Promise of the Real, 1 CD et 1 DVD Reprise Records/Warner Music.
Sylvain Siclier, Le Monde le 1 juillet 2015
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