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jeudi 25 juin 2015
Hellfest: le métal "is not dead" (L'Humanité)
Le festival Hellfest fête ses dix ans d’existence. Preuve s’il en est que le métal a beau se trouver sous terre, certaines personnes ont réussi à l'en extraire. Ce style de musique né dans les années 1970, est à l’honneur à Clisson (Loire-Atlantique) les 19, 20 et 21 juin lors du festival.
En 15 jours au mois de décembre dernier, l’intégralité des pass 3 jours pour le Hellfest a été vendue sur Internet. Un record pour ce festival de musiques extrêmes, comme le confirment les organisateurs : « C’est la première fois qu’on a annoncé complet si rapidement. » Pour ce qui est des billets à la journée, mis en vente fin janvier, le bilan est encore plus frappant. Le site de vente en ligne a dû faire face à des dysfonctionnements à cause de l’affluence, et en quelques heures, la billetterie était fermée.
Comment expliquer cet engouement, alors qu’il y a 10 ans, ce style de musique restait stigmatisé ? Le festival a même été victime d’attaques de la part de Christine Boutin en 2010, alors présidente du parti Chrétien-démocrate, qui voulait l’interdire. Mais le Hellfest a survécu. Il voit désormais les choses en grand. L’année dernière, près de 150 000 festivaliers ont convergé vers le site du Hellfest. Comparés aux 22 000 de la première édition, la croissance est visible. Une vraie réussite aussi !
Un « best-of » du métal
La programmation de cette année a été dessinée comme un « best-of » des musiques rock et métal. Ce qui signifie la présence de pointures du genre: Slipknot, Scorpions, ZZ Top ou Slash. « Son succès n’est cependant pas entièrement lié à la programmation », nuance Gérôme Guibert, maitre de conférences en sociologie à l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle. « L’année dernière, on savait que le groupe « Iron Maiden » avait joué un rôle prépondérant dans l’engouement suscité par le festival. Or, cette année, il est difficile d’identifier un groupe en particulier ». Gérôme Guibert, également directeur de publication de la revue Volume! et membre du comité scientifique de la revue internationale Metal Studies, ajoute que « le Hellfest s’inscrit dans un phénomène de globalisation des festivals de musique au niveau européen. 20 à 30% du public n’est pas français. » Un effet boule de neige, en somme. Avec de grosses têtes d’affiche et une renommée grandissante, le festival se trouve aujourd’hui au niveau des plus gros
rassemblements européens, comme le Wacken Open Air en Allemagne.
Pour les organisateurs, le festival a réussi à s’ouvrir à un public plus large aussi en France : « Prenez un groupe de rock américain comme ZZ Top : il attire des adultes qui n’écoutent pas du métal tout le temps. La majorité des festivaliers restent des métalleux, mais l’accueil n’est pas restrictif. » Par ailleurs, une scénographie spéciale est déployée chaque année pour donner une identité claire à l’événement : sculptures géantes comme l’arbre en fonte découpée, bars montés sur des containers… Et des nouveautés pour 2015 avec une sculpture originale de Jean-François Buisson.
Le métal est mort, vive le métal !
Par ailleurs, l’industrie du disque n’est plus la même que lors des débuts du style dans les années 1970. Et cela a un rôle indéniable selon les organisateurs : « N’importe qui peut découvrir le métal aujourd’hui grâce à Internet. » Gérôme Guibert précise que la scène métal a toujours été riche en France mais n’a pas bénéficié d’une bonne visibilité à ses débuts: « La part de groupes métal dans les locaux de répétitions en province ou en Ile-de-France est forte depuis le début. Cependant, de nos jours, on voit apparaître de plus en en plus de festivals de métal. Par ailleurs, l’espace consacré à ce courant musical dans les magasins de disque s’est accru depuis les 15 dernières années proportionnellement aux autres styles. »
De ce point de vue, Le Hellfest a fortement contribué à son enracinement. « Il a joué un rôle décisif confirme Gérôme Guibert. Sa principale fonction a été de mettre au jour les a priori qu’on associe à ce genre musical » Revenons en arrière : « De la première édition du festival en 2006 à 2010, de vives critiques n’ont cessé de monter : on accusait les festivaliers de satanisme, on trouvait ce rassemblement scandaleux. Le point culminant s’est traduit par les attaques de Christine Boutin il y a 5 ans. Après cette histoire, un tournant s’est amorcé. Le festival a permis de porter les polémiques sur la place publique et de rendre visible cette sous-culture. A partir de ce moment, les choses se sont calmées.»
L’horizon n’est pas tout rose non plus. En mai dernier, le site du Hellfest a été vandalisé par des groupuscules catholiques vendéens : graffitis sur les sculptures et destruction d’espaces verts et des plantations. En Vendée ou ailleurs, le métal peut toujours faire peur. « Le festival perdrait peut-être de sa force si les polémiques disparaissaient » se demande Gérôme Guibert.
Clotilde Percheminier, L'Humanité du 19 juin 2015
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