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lundi 28 avril 2014

Miossec, retour aux sources (Le Figaro)

Le chanteur breton sort un disque de chansons enregistrées dans sa maison du Finistère Nord. Un retour à la simplicité après un album très rock.


«C'est pas fini, on vient à peine de commencer.» Miossec a choisi avec soin le titre qui ouvre son nouveau disque Ici-bas, Ici même. Cette année, le chanteur brestois fête à la fois ses vingt ans de carrière et son cinquantième anniversaire. Un cap, passé en musique sur une dizaine de titres qu'il a voulu épurés. Après le rock rêche des Chansons ordinaires, Miossec déshabille sa musique et revient à la sincérité brute de Boire. Pour écrire ce nouveau disque, il est revenu à la simplicité, comme on l'apprend dans le livret du disque, «comme un couillon avec [sa] guitare.»



Un disque «fait à la maison» dans le Finistère, sans maquettes mais avec beaucoup de réflexion et une longue phase de composition. Les batteries y sont délicatement heurtées par les balais, les violons et violoncelles soulignent la ligne mélodique et les marimbas et les chœurs finissent d'habiller un disque sans fausse note.

Pour travailler sur Ici-bas, Ici même, Miossec a fait appel à l'arrangeur et pianiste Albin de la Simone (il a travaillé avec Vincent Delerm, Vanessa Paradis ou Alain Souchon), connu pour son travail d'orfèvre, ainsi qu'à l'ingénieur du son Jean-Baptiste Brunhes. Ensemble, ils travaillent en toute spontanéité, essayant le plus souvent possible de garder les premières prises. D'où cet intense sentiment de liberté, que Miossec lui-même rapproche de l'impulsion qui a nourri son album Boire.
La nostalgie douloureuse

Le dépouillement et les arrangements nets laissent place à la voix. Au fur et à mesure des sorties du Breton, cette dernière a su être aussi féroce que désespérée, cassée ou murmurée. Ici, elle se fait tendre pour aborder frontalement les thèmes de la cinquantaine. Le neuvième disque de Miossec est avant tout un retour à la chanson. La vie a un peu abîmé le bonhomme, mais le temps qui passe et la nostalgie douloureuse qu'il lui inspire lui vont bien. Ici-bas, Ici même raconte plus que jamais la peur de la mort, et la course inévitable vers un futur effrayant. Où l'on repense à toute une vie.

Le chanteur y raconte aussi Brest, la ville qu'il a déjà chantée, métropole du bout du monde en guise de muse. Il y revisite le Vauban, salle mythique près du port où on le vit souvent accroché à son micro, qu'il y joue en solo ou qu'il vienne au sortir d'un concert sur la scène nationale du Quartz. Sa chanson, Le samedi soir au Vauban, raconte la tradition bien connue du bal musette. Le Finistère a connu Miossec en haut et tout en bas. Depuis quelques années, le chanteur s'est calmé. La scène, il l'a enfin domptée, toujours angoissé mais plus confiant. Ses névroses, il les couche désormais sur le papier et en musique. Comme sur la pochette de son disque, où on le voit presque entièrement immergé dans une eau translucide. Entre les profondeurs abyssales et l'air pur, Miossec a choisi l'entre-deux. À La Cigale, ce ne sera pas comme un soir au Vauban. Mais le rendez-vous parisien est pris et le nouveau groupe de scène composé par Miossec (Hugo Cechosz, Vincent David, Valentine Duteil, Nathalie Réaux et Florent Savigny) apportera un bout de Finistère à Paris.

Miossec, à La Cigale, 120, boulevard de Rochechouart (XVIIIe). Tél.: 01 49 25 81 75. Date: le 22 avril à 19 h 30. Place: 29,70 €.

Miossec : «Je n'ai jamais vécu le luxe de ce métier…»

Pour la première fois, le chanteur signe toutes les musiques d'Ici bas, ici même, production intimiste enregistrée chez lui en Bretagne.

Il fêtera ses 50 ans à la fin de l'année. Deux décennies après son premier album, Boire, le Brestois livre un de ses meilleurs disques, Ici bas, ici même, conçu à domicile. Apaisé, Miossec y abandonne le rock pour s'inscrire dans une tradition de belle chanson française.

LE FIGARO. - Votre nouvel album marque une rupture. Pourquoi?


Christophe MIOSSEC. - À chaque nouveau disque, on a toujours la folle espérance de changer les choses. De l'intérieur, on a l'impression de faire de grands écarts, mais on est parfois le seul à les ressentir. Cette fois, j'ai eu plus de temps. J'ai eu envie de tout reprendre de zéro. J'ai connu beaucoup d'échecs avant d'aboutir à ce résultat. On fait son éducation…

Quelle a été votre méthode de travail?

La phase de composition m'a pris beaucoup de temps. Pour la première fois, je signe toutes les musiques. J'en ai tiré l'impression de savoir faire des chansons. Apprendre à la cinquantaine que je n'étais pas compositeur aurait été une bonne info. Ceci dit, à l'avenir, je ne vais pas forcément continuer à tout composer moi-même.

Pourquoi avez-vous collaboré avec Albin de la Simone?

On m'avait plusieurs fois parlé de son travail, mais je me demandais ce qu'on allait pouvoir s'apporter. Il ne connaissait pas ma musique ni moi, la sienne. Avec quelqu'un comme lui, le dialogue doit être argumenté, et les propositions d'arrangement, explicitées. Ensemble, nous avons trouvé la bonne balance. J'ai tendance à cogner les morceaux. Alors, quand ça s'adoucissait trop, je repassais derrière.

Vous êtes revenu vivre en Bretagne et c'est le premier album que vous ayez conçu là-bas


Je voulais monter une équipe à trois. ­Albin a déboulé à la maison avec l'ingénieur du son Jean-Baptiste Brunhes, et on a posé toutes les bases dans ma cabane et dans la cave. Cela a été bouclé en trois séances de trois jours et trois nuits. Le fait d'être chez moi a été bénéfique. En entrant en studio, j'ai toujours l'impression de perdre mes moyens.

Pourquoi tournez-vous le dos au rock?

J'ai adoré faire le disque précédent (Chansons ordinaires, NDLR), qui m'a permis une tournée très rock'n'roll. Mais, cette fois, j'ai trouvé plus intéressant de créer quelque chose en étant complètement dans le texte, sans me battre avec la caisse claire et les guitares électriques. C'est aussi probablement dû au fait que j'écoute beaucoup de musique cool à la maison.

On voit plus de recul dans vos textes…

Je me sens moins fragile et moins branlant qu'auparavant. Au cours des années, j'ai rencontré beaucoup de gens qui m'ont fait du bien. Chanter, ce n'est pas qu'un métier d'oiseau de malheur. Aujourd'hui, j'alterne entre la vie contemplative et les moments passés dans le fourgon, en tournée.


Vous célébrez vos vingt ans de production. Quel bilan tirez-vous?


Les chiffres obligent à faire un point, mais je ne vois que l'après. Dresser un bilan serait déplaisant. En neuf disques, je n'ai pas l'impression d'avoir tout dit. Je me demande juste à partir de quel moment les gens en ont assez, à partir de quand on fatigue.

Regrettez-vous parfois de ne pas être plus populaire?


Non. En étant sur un label indépendant depuis mes débuts, je n'ai jamais vécu le luxe dans ce métier. Je ne suis pas adepte de la croissance. Ça tombe bien, je n'ai pas envie de remplir les Zénith. Je n'ai jamais eu de gros tube, ce fameux morceau qui peut tout foutre en l'air.

Vous chantez un texte écrit par Sophie Calle et Grégoire Bouillier. Pourquoi?


Sophie, je l'ai rencontrée en Camargue par l'intermédiaire de Stephan Eicher. On s'était mis en tête de faire des chansonnettes. Elle avait commencé à écrire ces paroles avec Grégoire Bouillier. On a réécrit par-dessus, c'est devenu un jeu. Une semaine avant l'enregistrement, elle m'a balancé quatre phrases qui ont remplacé les miennes.

Depuis quelques années, vous êtes un des paroliers attitrés de Johnny Hallyday.


C'est une force supplémentaire. On reste un artisan, mais on accède à l'aristocratie de l'artisanat. En travaillant avec ­Johnny, je peux goûter au plaisir d'entendre une salle entière chanter mes mots. Dans ces moments-là, on ressent un truc très bizarre qui vous passe dans le corps.

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