Bernard Lavilliers photo Rémy Gabalda |
Un artiste en réinvention permanente
La conscience de la classe ouvrière, qui donnait volontiers des concerts dans les usines, devint une vedette de la chanson populaire. Depuis quelques années, Bernard Lavilliers est devenu un classique. L'homme qui divisait a fini par mettre tout le monde d'accord. Son inspiration ne s'est pas tarie, mais son statut a changé. Le Stéphanois est devenu un grand de la chanson, doublé d'un artiste en réinvention permanente. À la fin de l'année passée, il a livré Baron Samedi, un des meilleurs albums de sa carrière. Ce vingtième disque - en un peu plus de quarante ans d'activité - a été inspiré par la situation en Haïti et le culte vaudou. Parti à Port-au-Prince après les ravages du tremblement de terre de janvier 2010, il a découvert la figure du personnage clé du culte haïtien, qui donne son titre à l'album.
Bernard Lavilliers n'a plus besoin de montrer les muscles pour convaincre. Sur ses nouvelles chansons, le sexagénaire tombe le masque, et s'autorise une douceur qu'on ne lui connaissait pas. Avec le concours des musiciens et arrangeurs Romain Humeau et Fred Pallem, il vient de livrer une de ses partitions les plus sensibles et variées. Le funk cuivré de Y'a pas qu'à New York rappelle ses anciens titres, la transposition de Jack l'Éventreur au monde de la finance est joliment emballée de cordes, et le Réunionnais Alain Peters est à l'honneur à travers une reprise de son Rest'là Maloya.
L'homme qui interpréta la complainte des arts ménagers de Boris Vian revisite aussi la traduction que l'auteur de L'Écume des jours a donnée de Complainte de Mackie, standard de Kurt Weill. Et, surtout, il réussit le tour de force de mettre en musique Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France, de son poète préféré Blaise Cendrars.
Olivier Nuc Le Figaro du 19 mars 2014
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