Photo Guillaume Ruoppolo
Des murs d'un rouge profond, quelques panneaux pour marquer la présence du poète dans ce lieu de passage a priori plutôt anonyme. Et Patti Smith pour donner un vrai sens à la démarche, l'inusable amoureuse de l'oeuvre du poète, sensible à ses mots comme à sa personnalité, étant toujours prompte à dégainer un compliment lyrique pour son cher Arthur Rimbaud. Hier, la journée marseillaise de l'artiste américaine a commencé à la Gare Saint-Charles avant de se poursuivre au Silo. Partout, elle a montré la même intensité. Une icône du rock inchangée.
L'hommage à Rimbaud
En fin de matinée, la prêtresse du rock était donc à la Gare Saint-Charles où l'on offrait le nom du poète, mort à 37 ans à Marseille, à la salle d'attente. Pourquoi pas, cet espace symbolisant le voyage, les rencontres, les échanges. Il n'y avait jusque-là qu'une plaque commémorative à l'hôpital de la Conception, là où Rimbaud s'est éteint le 10 novembre 1891. Rimbaud, qui était venu plusieurs fois à Marseille et était probablement passé à plusieurs reprises par la gare, aurait d'ailleurs confié: "Il n'y a que trois villes supportables au poète, Paris, Constantinople et Marseille". Avant de chanter, Patti Smith, sur le ton de l'incantation, inspirée comme toujours, a soufflé : "C'est avec tout mon coeur que j'envoie, comme un oiseau, cette chanson baptisée Wing directement à Arthur Rimbaud dont l'esprit est toujours pas loin d'ici, je crois". Cette chanson interprétée accompagnée seulement par son guitariste Lenny Kaye, a laissé planer une étincelante mélancolie sur un public épaté. En sortant de cette salle, dans une bousculade indescriptible, Patti Smith a salué quelques personnes d'un regard bienveillant (et même un groupe de gamins chahuteurs attirés seulement par les caméras).
La lecture
Dans "la belle ville où Arthur Rimbaud a prononcé ses derniers mots, fait ses derniers rêves et eu ses dernières espérances", Patti Smith avait ensuite rendez-vous au Silo pour une séance de lecture de poèmes.
Le concert
21h. La nuit appartient peut-être aux amants, mais pas au retardataires. Miss Patti débute son concert avec la ponctualité d'une horloge atomique. Sur scène, le temps ne semble pas avoir de prise sur l'icône. Même blue jean fatigué, éternelle veste noire et gilet assorti. Pour un peu on se serait cru vers la fin des années 70. La voix est intacte, l'énergie et la poésie rock aussi. La dame, mère du punk et grand-mère du grunge, se permet même de minauder avec les spectateurs des premiers rang d'un Silo depuis longtemps sold out. Une évocation de Rimbaud "sous la pluie de novembre à Marseille" pour rester dans le ton de la journée et des titres s'enchaînent. Il est permis de rire de ses poses arty, de ses appels à "Châââarlessss Bôôdelaire", mais Patti Smith sur scène c'est un pur moment de rock'n'roll.
Olga BIBILONI et Jacques COROT La Provence du 8 novembre 2011
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